Antoine François PRÉVOST, dit Prévost d’Exiles ou l'Abbé PRÉVOST
[HISTOIRE DU CHEVALIER DES GRIEUX ET DE MANON LESCAUT] SUITE DES MÉMOIRES ET AVENTURES D'UN HOMME DE QUALITÉ, QUI S'EST RETIRE DU MONDE.
A Amsterdam, Aux dépens de la Compagnie [Rouen ?], 1733
2 parties en 1 volume grand in-12 (168 x 100 mm - Hauteur des marges : 164 mm) de (15)-469 pages. Pagination continue entre les deux parties (la seconde partie commence à la page 269 et est précédée d'un faux-titre qui n'est pas compris dans la pagination).
Reliure plein maroquin rouge, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, triple-filet doré en encadrement des plats, double-filet doré sur les coupes, jeu de roulettes et filets dorés en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, tranches dorées (reliure anglaise du milieu du XIXe siècle signée F. BEDFORD). Exemplaire à l'état proche du neuf tant au niveau de la reliure que de l'intérieur. Rares rousseurs. Exemplaire grand de marges.
ÉDITION QUI A ÉTÉ LONGTEMPS CONSIDÉRÉE COMME ÉTANT L’ÉDITION ORIGINALE DE MANON LESCAUT A TEL POINT QUE DE NOMBREUX AMATEURS DU XIXe SIÈCLE L'ONT FAIT RICHEMENT RELIÉE.
C'est H. Harrisse qui démontre pour la première fois que cette impression de 1733 n'est pas la première de Manon Lescaut. Il dénombre trois impressions similaires de ce texte pour cette année 1733. La seconde, en 469 pages, avec le fleuron de titre gravé sur bois, comporte le titre de départ de chaque partie sur trois lignes seulement. Ce tirage contient la faute d'impression à la page 220 "Je souffrais mortellement dans Manon" (ligne 1 et 2) au lieu de "Je souffrais mortellement sans Manon". Même si Harrisse qualifie cette impression de "mauvaise contrefaçon" il s'agit bien ici de la première édition séparée de Manon Lescaut et la première à avoir réellement attiré l'attention du public. Harrisse nous dit que c'est pendant l'été de 1733 qu'un imprimeur de Rouen (d'après Lenglet-Dufresnoy) fit une édition du fameux tome VII des Mémoires d'un homme de qualité précédemment publiés en 1731. Les six premiers volumes des Mémoires d'un homme de qualité furent réimprimés entre 1731 et 1732, à chaque fois pourtant, sans jamais avoir joint l'histoire de Manon Lescaut qui formait le dernier volume.
Le 21 juin 1733 le Journal de la Cour de Paris écrit : "Il parait depuis quelques jours un nouveau volumes des Mémoires d'un homme de qualité. Ce livre est écrit avec tant d'art et d'une façon si intéressante, que l'on voit les honnêtes gens s'attendrir en faveur d'un escroc et d'une catin." Le livre est saisi et condamné à être brûlé le 5 octobre de la même année.
A noter que dans cette édition, l'épître de l'auteur avait déjà été publiée en 1731 mais se trouve ici considérablement remaniée.
La valeur bibliophilique de cette "fausse édition originale" a attisé la convoitise des plus grands bibliophiles au cours du XIXe siècle. Ainsi l'on retrouve cette édition de 1733 dans presque toutes les grandes bibliothèques : notamment celle du Baron Pichon et de Rotschild, n°1556 (exemplaire relié sur brochure (180 mm) en maroquin bleu par Trautz-Bauzonnet) ; De même le libraire Morgand listait plusieurs exemplaires de choix dans son bulletin (n°1911 - mars avril 1876 - coté 150 francs en maroquin vert de Hardy ; n°15125 - janvier 1888 - coté 250 francs en maroquin de Trautz-Bauzonnet). En 1874, le libraire Auguste Fontaine désigne un exemplaire de cette même édition de 1733 comme "édition originale" (n°1919 - exemplaire relié en veau brun de l'époque et coté 300 francs).
Curieusement notre exemplaire ne contient aucune marque d'appartenance. Il a été finement relié par l'excellent relieur anglais Francis Bedfort, vers 1850-1860. Cependant nous en retrouvons la trace en 1897 et 1904, date auxquelles il fut proposé aux enchères. On sait que le Duc d'Aumale (1822-1897), fervent bibliophile amateur d'éditions rares, affectionnait particulièrement le travail du relieur anglais Francis Bedford qu'il avait rencontré à Londres pendant son premier exil entre 1848 et 1871, période qu'il mit à profit pour augmenter sa collection de livres.
Sachant que M. Harrisse dévoile son opinion sur cette édition dès 1877 dans sa Bibliographie de Manon Lescaut, on peut dire sans se tromper que ce volume, pris à l'époque pour l'édition originale, fut relié avant cette date pour un bibliophile exigeant de l'époque. Le Duc d'Aumale quant à lui en possédait un exemplaire aussi relié en maroquin rouge de Thompson (reliure anglaise), exemplaire qui provenait de la vente Solar (1860).
A propos de cet ouvrage, Montesquieu écrit en 1734 : « J’ai lu le 6 avril 1734, Manon Lescaut (...) Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon, et l’héroïne, une catin qui est menée à la Salpétrière, plaise ; parce que toutes les mauvaises actions du héros, le chevalier des Grieux, ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse. ».
"Manon Lescaut a laissé une trace durable dans la littérature française. Peu de romans n’ont été aussi loués et aussi critiqués que ce chef-d’œuvre rempli de passion, de douleur et d’amour. Le drame touchant vécu par le « fripon » des Grieux et la « catin » Manon parvient à éviter la réprobation des lecteurs grâce au caractère admirable qui caractérise les passions dans ce court récit si naturel et si vraisemblable qui se déroule avec une rapidité qui tranche avec le reste de l’œuvre de Prévost. L’intrigue de cette histoire remplie de variété et de mouvement sur fond unique de délire et d’amour se développe et s’enchaîne dans un ordre logique et naturel qui donne à chaque nouvel épisode son impression d’authenticité et de vraisemblance. Les deux héros sont présentés avec une netteté lumineuse : séduisants, jeunes et amoureux à outrance, ils se précipitent tête baissée dans leur passion sans jamais paraître rien perdre de leur grâce, de leur beauté et de leur esprit. Leur jeunesse et leur innocence ne semblent jamais atteintes par la fange de l’échelle sociale au bas de laquelle se passe une bonne partie de leur histoire. Passant tour à tour, et du jour au lendemain, de la misère à la fortune, du boudoir à la prison, de Paris à la déportation, de l’exil à la mort, des Grieux et Manon n’ont qu’une excuse : l’amour, ce sentiment qui fait oublier que tous deux mentent et volent, que le premier triche et tue ou que la seconde se prostitue. C’est également la conscience de ce sentiment qui permet au lecteur de prendre en pitié la faiblesse et les inconséquences de des Grieux, ce héros tout à la fois si humain et si démuni face à la tentation amoureuse. L’amour, dans Manon Lescaut, est une passion qui se révèle brusquement et qu’il serait vain de chercher à surmonter. De même, dans cette narration où le fourmillement d’incidents romanesques révèle un souci de la réalité dans ses plus petits détails, le réalisme ne dispute pourtant jamais à l’idéalisme. En dépit de leur caractère éminemment romanesque, les événements de Manon Lescaut ne paraissent jamais enfreindre la vraisemblance comme, par exemple, lorsque des Grieux saisit avec quelle facilité les résolutions les plus fermes s’évanouissent devant le regard d’une femme. La structure psychologique des héros obéit à cette règle : des Grieux réunit en lui une incroyable naïveté et un cynisme grossier tandis que Manon est un esprit pratique doué de bon sens et d’une extraordinaire insouciance. Le commerce de sa personne qu’elle fera, dès que l’argent viendra à manquer au couple, est une fatalité que rien ne peut infléchir car son bien être matériel est une nécessité qui ne saurait souffrir d’entraves. Mais Manon revient toujours à des Grieux, comme il revient à elle, après ses intervalles de retour à ses études et à la théologie. Le chef-d’œuvre littéraire de Manon Lescaut finit par naître de la somme des imperfections de des Grieux et de Manon lorsque la vérité de la passion de leurs caractères devient la personnification littéraire de l’amour, fatal et misérable pour l’un, inconstant et frivole pour l’autre mais d’un amour qui finit par trouver, sous le coup du malheur, sa rédemption dans un sentiment sincère et profond inévitablement voué à trouver son dénouement dans la mort." (in Article Manon Lescaut, Wikipedia, section Analyse).
SUPERBE EXEMPLAIRE, PARFAITEMENT ÉTABLI EN MAROQUIN AU XIXe SIÈCLE PAR F. BEDFORD, DE CETTE ÉDITION IMPORTANTE DE MANON LESCAUT, CHEF D’ŒUVRE REMPLI "DE PASSIONS, DE DOULEUR ET D'AMOUR."
VENDU
[HISTOIRE DU CHEVALIER DES GRIEUX ET DE MANON LESCAUT] SUITE DES MÉMOIRES ET AVENTURES D'UN HOMME DE QUALITÉ, QUI S'EST RETIRE DU MONDE.
A Amsterdam, Aux dépens de la Compagnie [Rouen ?], 1733
2 parties en 1 volume grand in-12 (168 x 100 mm - Hauteur des marges : 164 mm) de (15)-469 pages. Pagination continue entre les deux parties (la seconde partie commence à la page 269 et est précédée d'un faux-titre qui n'est pas compris dans la pagination).
Reliure plein maroquin rouge, dos à nerfs richement orné aux petits fers dorés, triple-filet doré en encadrement des plats, double-filet doré sur les coupes, jeu de roulettes et filets dorés en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier peigne, tranches dorées (reliure anglaise du milieu du XIXe siècle signée F. BEDFORD). Exemplaire à l'état proche du neuf tant au niveau de la reliure que de l'intérieur. Rares rousseurs. Exemplaire grand de marges.
ÉDITION QUI A ÉTÉ LONGTEMPS CONSIDÉRÉE COMME ÉTANT L’ÉDITION ORIGINALE DE MANON LESCAUT A TEL POINT QUE DE NOMBREUX AMATEURS DU XIXe SIÈCLE L'ONT FAIT RICHEMENT RELIÉE.
C'est H. Harrisse qui démontre pour la première fois que cette impression de 1733 n'est pas la première de Manon Lescaut. Il dénombre trois impressions similaires de ce texte pour cette année 1733. La seconde, en 469 pages, avec le fleuron de titre gravé sur bois, comporte le titre de départ de chaque partie sur trois lignes seulement. Ce tirage contient la faute d'impression à la page 220 "Je souffrais mortellement dans Manon" (ligne 1 et 2) au lieu de "Je souffrais mortellement sans Manon". Même si Harrisse qualifie cette impression de "mauvaise contrefaçon" il s'agit bien ici de la première édition séparée de Manon Lescaut et la première à avoir réellement attiré l'attention du public. Harrisse nous dit que c'est pendant l'été de 1733 qu'un imprimeur de Rouen (d'après Lenglet-Dufresnoy) fit une édition du fameux tome VII des Mémoires d'un homme de qualité précédemment publiés en 1731. Les six premiers volumes des Mémoires d'un homme de qualité furent réimprimés entre 1731 et 1732, à chaque fois pourtant, sans jamais avoir joint l'histoire de Manon Lescaut qui formait le dernier volume.
Le 21 juin 1733 le Journal de la Cour de Paris écrit : "Il parait depuis quelques jours un nouveau volumes des Mémoires d'un homme de qualité. Ce livre est écrit avec tant d'art et d'une façon si intéressante, que l'on voit les honnêtes gens s'attendrir en faveur d'un escroc et d'une catin." Le livre est saisi et condamné à être brûlé le 5 octobre de la même année.
A noter que dans cette édition, l'épître de l'auteur avait déjà été publiée en 1731 mais se trouve ici considérablement remaniée.
La valeur bibliophilique de cette "fausse édition originale" a attisé la convoitise des plus grands bibliophiles au cours du XIXe siècle. Ainsi l'on retrouve cette édition de 1733 dans presque toutes les grandes bibliothèques : notamment celle du Baron Pichon et de Rotschild, n°1556 (exemplaire relié sur brochure (180 mm) en maroquin bleu par Trautz-Bauzonnet) ; De même le libraire Morgand listait plusieurs exemplaires de choix dans son bulletin (n°1911 - mars avril 1876 - coté 150 francs en maroquin vert de Hardy ; n°15125 - janvier 1888 - coté 250 francs en maroquin de Trautz-Bauzonnet). En 1874, le libraire Auguste Fontaine désigne un exemplaire de cette même édition de 1733 comme "édition originale" (n°1919 - exemplaire relié en veau brun de l'époque et coté 300 francs).
Curieusement notre exemplaire ne contient aucune marque d'appartenance. Il a été finement relié par l'excellent relieur anglais Francis Bedfort, vers 1850-1860. Cependant nous en retrouvons la trace en 1897 et 1904, date auxquelles il fut proposé aux enchères. On sait que le Duc d'Aumale (1822-1897), fervent bibliophile amateur d'éditions rares, affectionnait particulièrement le travail du relieur anglais Francis Bedford qu'il avait rencontré à Londres pendant son premier exil entre 1848 et 1871, période qu'il mit à profit pour augmenter sa collection de livres.
Sachant que M. Harrisse dévoile son opinion sur cette édition dès 1877 dans sa Bibliographie de Manon Lescaut, on peut dire sans se tromper que ce volume, pris à l'époque pour l'édition originale, fut relié avant cette date pour un bibliophile exigeant de l'époque. Le Duc d'Aumale quant à lui en possédait un exemplaire aussi relié en maroquin rouge de Thompson (reliure anglaise), exemplaire qui provenait de la vente Solar (1860).
A propos de cet ouvrage, Montesquieu écrit en 1734 : « J’ai lu le 6 avril 1734, Manon Lescaut (...) Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon, et l’héroïne, une catin qui est menée à la Salpétrière, plaise ; parce que toutes les mauvaises actions du héros, le chevalier des Grieux, ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse. ».
"Manon Lescaut a laissé une trace durable dans la littérature française. Peu de romans n’ont été aussi loués et aussi critiqués que ce chef-d’œuvre rempli de passion, de douleur et d’amour. Le drame touchant vécu par le « fripon » des Grieux et la « catin » Manon parvient à éviter la réprobation des lecteurs grâce au caractère admirable qui caractérise les passions dans ce court récit si naturel et si vraisemblable qui se déroule avec une rapidité qui tranche avec le reste de l’œuvre de Prévost. L’intrigue de cette histoire remplie de variété et de mouvement sur fond unique de délire et d’amour se développe et s’enchaîne dans un ordre logique et naturel qui donne à chaque nouvel épisode son impression d’authenticité et de vraisemblance. Les deux héros sont présentés avec une netteté lumineuse : séduisants, jeunes et amoureux à outrance, ils se précipitent tête baissée dans leur passion sans jamais paraître rien perdre de leur grâce, de leur beauté et de leur esprit. Leur jeunesse et leur innocence ne semblent jamais atteintes par la fange de l’échelle sociale au bas de laquelle se passe une bonne partie de leur histoire. Passant tour à tour, et du jour au lendemain, de la misère à la fortune, du boudoir à la prison, de Paris à la déportation, de l’exil à la mort, des Grieux et Manon n’ont qu’une excuse : l’amour, ce sentiment qui fait oublier que tous deux mentent et volent, que le premier triche et tue ou que la seconde se prostitue. C’est également la conscience de ce sentiment qui permet au lecteur de prendre en pitié la faiblesse et les inconséquences de des Grieux, ce héros tout à la fois si humain et si démuni face à la tentation amoureuse. L’amour, dans Manon Lescaut, est une passion qui se révèle brusquement et qu’il serait vain de chercher à surmonter. De même, dans cette narration où le fourmillement d’incidents romanesques révèle un souci de la réalité dans ses plus petits détails, le réalisme ne dispute pourtant jamais à l’idéalisme. En dépit de leur caractère éminemment romanesque, les événements de Manon Lescaut ne paraissent jamais enfreindre la vraisemblance comme, par exemple, lorsque des Grieux saisit avec quelle facilité les résolutions les plus fermes s’évanouissent devant le regard d’une femme. La structure psychologique des héros obéit à cette règle : des Grieux réunit en lui une incroyable naïveté et un cynisme grossier tandis que Manon est un esprit pratique doué de bon sens et d’une extraordinaire insouciance. Le commerce de sa personne qu’elle fera, dès que l’argent viendra à manquer au couple, est une fatalité que rien ne peut infléchir car son bien être matériel est une nécessité qui ne saurait souffrir d’entraves. Mais Manon revient toujours à des Grieux, comme il revient à elle, après ses intervalles de retour à ses études et à la théologie. Le chef-d’œuvre littéraire de Manon Lescaut finit par naître de la somme des imperfections de des Grieux et de Manon lorsque la vérité de la passion de leurs caractères devient la personnification littéraire de l’amour, fatal et misérable pour l’un, inconstant et frivole pour l’autre mais d’un amour qui finit par trouver, sous le coup du malheur, sa rédemption dans un sentiment sincère et profond inévitablement voué à trouver son dénouement dans la mort." (in Article Manon Lescaut, Wikipedia, section Analyse).
SUPERBE EXEMPLAIRE, PARFAITEMENT ÉTABLI EN MAROQUIN AU XIXe SIÈCLE PAR F. BEDFORD, DE CETTE ÉDITION IMPORTANTE DE MANON LESCAUT, CHEF D’ŒUVRE REMPLI "DE PASSIONS, DE DOULEUR ET D'AMOUR."
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