dimanche 15 août 2010

Les aventures plaisantes de Guzman d'Alfarache (1777). Nouvelle édition abrégée par Alletz sur celle de Lesage. Bel exemplaire en reliure de l'époque.



Mateo ALEMAN / LESAGE (traduction) et ALLETZ (abrégé)

LES AVENTURES PLAISANTES DE GUSMAN D'ALFARACHE, tirées de l'histoire de sa vie, & revues sur l'ancienne traduction de l'original espagnol.

A La Haye, et se trouve à Paris, chez la Veuve Duchesne, 1777.

2 volumes in-12 (17 x 10 cm) de XII-(4)-291 et (4)-299 pages. Frontispice gravé à l'eau-forte en tête de chaque volume.

Reliure plein veau fauve marbré, dos lisse orné, pièce de titre de maroquin rouge, tomaison de maroquin vert, doublures et gardes de papier marbré, tranches marbrées (reliure de l'époque). Reliures et intérieur en excellent état, infime manque sur un bord de coiffe. Petit travail de vers dans la marge inférieure du premier volume (sans aucune gravité).


PREMIER TIRAGE DE CETTE EDITION ABRÉGÉE SUR CELLE DE LESAGE.

Guzmán de Alfarache est un roman picaresque écrit par Mateo Alemán et publié en deux parties : la première à Madrid en 1599, avec le titre de Primera parte de Guzmán de Alfarache et la deuxième à Lisbonne en 1604, intitulée Segunda parte de la vida de Guzmán de Alfarache, atalaya de la vida humana. Le livre relate les pérégrinations d’un jeune pícaro à partir du point de vue autobiographique du protagoniste une fois arrivé à l’âge mûr. L’œuvre contient en quantité équivalente récit des aventures picaresques et commentaires moralisants du narrateur adulte, qui avec du recul réprouve sa vie passée. Ainsi, le Guzmán de Alfarache est conçu, et ce dès le prologue, comme un sermon doctrinal adressé à une société pécheresse et fut reçu comme tel par ses contemporains. Il s’agit donc d’un hybride entre roman de divertissement et discours moral. La popularité qu’il atteignit à son époque fut immense, comme en attestent les dizaines d’éditions au XVIIe siècle, les traductions très tôt en français, allemand, anglais, italien et latin, une suite apocryphe (Segunda parte del Guzmán de Alfarache de Juan Martí, publiée avant la seconde partie d’Alemán sous le pseudonyme de Mateo Luxán de Sayavedra) et les imitations comme El guitón Honofre (1604) de Gregorio González dont il fit l'objet.

L'avertissement placé en tête de cette nouvelle édition indique que ce roman était tombé dans l'oubli depuis près de trente ans, que toutes les éditions en étaient épuisées et qu'il était devenu très-rare et qu'il n'était connu que des personnes d'un âge avancé. Il est indiqué que la plus ancienne traduction française parut en 1632, sous le titre "Le gueux, ou la vie de Gusman d'Alfarache, image de la vie humaine, etc." Cette nouvelle édition réduit à deux petites parties les trois volumes de la traduction de M. Le Sage, qui parut "il y a quarante quatre ans" (1732). Cette nouvelle édition abrégée de Lesage est due à M. Alletz.

"La dernière traduction française est du célèbre Le Sage, dont les ouvrages se font lire avec un si vif intérêt. Il y a près de quatre vingt ans qu'elle vit le jour. M. Alletz a cru rendre service au public , en la faisant réimprimer. Mais il en a sagement retranché les épisodes inutiles, les histoires lugubres, les déclamations vagues, en un mot, tout ce qui est étranger à la vie du plus grand des héros en fait de subtilité, d'escroquerie, de fourberie , etc. Quoique le tissu de toutes ses aventures ne paroisse pas d'abord pouvoir fournir des leçons fort instructives, on y trouve cependant des caractères frappés de main de maître , des tableaux de la vie civile, et des portraits qui, dit l'éditeur, corrigent sans qu'on s'en aperçoive, et qui font plus d'impression que ne pourraient faire tous les préceptes de la morale." (Antoine Alexandre Barbier, Nouvelle bibliotheque d'un homme de goût)

L'illustration se compose de deux jolis frontispice non signés, l'un représentant une table de joueurs et l'autre une scène de salon.

Référence : Joseph L. Laurenti, Catálogo bibliográfico de la literatura picaresca siglos XVI - XX, Volume 1, p. 386, n°2976. Il y a eu deux tirage la même année à la même adresse avec simplement la mention seconde édition pour l'autre. Conlon, Le siècle des Lumières: Bibliographie ..., Volume 18, p. 264. Quérard, Les supercheries littéraires dévoilées, II-602.

AGRÉABLE EXEMPLAIRE DE CE ROMAN PICARESQUE EN BELLE CONDITION D'ÉPOQUE.

VENDU

La guerre sino-japonaise (1894-1895) illustrée par le peintre japonais Beisai Kubota (1852-1906). Rare ensemble de huit albums sur les onze publiés.



Beisai ou Beisein KUBOTA


LA CORRESPONDANCE DE LA GUERRE SINO-JAPONAISE - [8 ALBUMS ILLUSTRANT LA GUERRE SINO-JAPONAISE, 1894-1895]. Nisshin Sentou Gahou (A Pictorial Record of the Sino-Japanese War).

[Tokyo, octobre 1894-août 1895]

8 volumes cousus à la japonaise (sur 11 publiés), reliure de type Fukurotoji (23,5 x 17,5 cm), outre le texte suivant les illustrations, on compte 22 illustrations à pleine page pour chaque volume à l'exception d'un volume qui contient 18 illustrations et un autre 21, 2 grandes illustrations dépliantes et une carte dépliante. Couverture au premier imprimé en couleurs. Légendes des illustrations en caractères chinois, japonais et en anglais pour la plupart. Il manque les volumes 3, 10 et 11.


UNIQUE ÉDITION RARISSIME.

Cette série d'albums magistralement illustrés par le peintre japonais Beisai Kubota a été publiée en 11 fascicules entre le 21 octobre 1894 et le 6 juin 1895. Le peintre Kubota a suivi la guerre sino-japonaise sur le terrain, ainsi toutes les illustrations ont été peintes sur le vif et sont reprises ici sous forme de bois gravés coloriés. Presque tous les exemplaires de cette correspondance impérialiste ont été dispersés et les ensemble complet des 11 fascicules ne trouvent pas.

Les quelques 176 gravures sur bois coloriées d'après les peintures de Kubota montrent des scènes de guerre, des batailles célèbres, des conflits maritimes, des scènes populaires, des scènes d'intérieur, sur fond de paysages.

A pictorial account of the first Sino-Japanese war, from its outbreak in the summer of 1894 to Japan's sea-victories at Weihaiwei and elsewhere in February 1895. Japan's advance into Manchuria and the peace treaty signed between Japan and China in April 1895 are covered in the final. Missing 3 volumes. Kubota published a number of works - mainly for use in schools - in the 1880s, 1890s and 1900s. These volumes are partly wartime propaganda, and partly - since Japan had the upper hand from the beginning and there was little need to doctor the facts - a fascinating contemporary account. Uncommon.


La première guerre sino-japonaise remonte à une longue et grande mésentente entre le Japon et la Chine. C'est à partir de 1870 que la discorde entre les deux pays asiatiques monta en grade à propos de la Corée, royaume qui se trouve géographiquement entre les deux pays. Les Nippons reprochaient aux Chinois de diriger la péninsule et de l'influencer plus qu'elle ne le devait. Plusieurs conflits eurent lieu avant la guerre elle-même. Conflits qui furent tous remportés par les Japonais.

En 1894, les Nippons profitèrent de l'appel de la Corée à la Chine servant à refouler une révolte de paysans pour intervenir également. En réalité, la Chine et le Japon avaient signé un traité quelques années auparavant, traité précisant que la Chine devait prévenir les Nippons de toute attaque militaire en Corée. Le traité n'ayant pas été respecté par les Chinois, le Japon envoya 18'000 hommes sous prétexte de vouloir aider la Corée. La guerre, qui dura deux ans, commença officiellement le 1er août de la même année. S'ensuivit ensuite des combats violents entre les deux pays, particulièrement des combats maritimes. Alors que le Japon était entré dans l'ère industrielle et s'était doté d'une armée puissante, la Chine avait alors accumulé un important retard dans son développement économique. Après mars 1895 et de nombreuses défaites militaires, la Chine impériale de la dynastie Qing doit signer le traité de Shimonoseki. Par ce traité de Shimonoseki, appelé aussi traité de Maguan (馬關/马关), la Chine, vaincue, s'engage à verser une somme d'argent considérable en guise d'indemnité et s'engage à céder au Japon l'île de Formose (actuellement Taïwan), l'archipel des Pescadores (actuellement Penghu) et la presqu'île du Liaodong (avec Port-Arthur (Lüshunkou) en Mandchourie). La Chine abandonne également sa suzeraineté sur la Corée, avec laquelle le Japon avait déjà signé un traité alliance militaire (1894), avant qu'elle ne devienne un protectorat (1905), puis une colonie japonaise en 1910. L'ensemble de ces territoires resteront sous domination nippone jusqu'à sa défaite en 1945 lors de la seconde Guerre mondiale.


TRÈS BEL ENSEMBLE DE HUIT ALBUMS ILLUSTRANT LA PREMIÈRE GUERRE SINO-JAPONAISE, PAR KUBOTA BEISEN, ARTISTE PEINTRE DE LA PERIODE MEIJI.

VENDU

vendredi 13 août 2010

Juliette au pays des hommes (1924), par Jean Giraudoux. Exemplaire sans doute unique imprimé sur papier bleu.


Jean GIRAUDOUX
JULIETTE AU PAYS DES HOMMES.
Paris, Émile-Paul, éditeurs, 1924.

1 volume in-12 carré (20 x 18,5 cm) de 251-(1) pages, broché, sous couverture imprimée bleue, non rogné, à toutes marges. Couverture passée, quelques petites fissures sans gravité en bordure de la couverture, intérieur très frais imprimé sur papier bleu.
ÉDITION ORIGINALE. EXEMPLAIRE IMPRIMÉ SUR PAPIER BLEU, SANS DOUTE UNIQUE, NON JUSTIFIÉ.

Exemplaire qui sort des presses de Chaix, 29 rue Bergère, à Paris. L'achevé d'imprimer indique une impression de juillet 1924. Cette édition originale a été mise en vente en librairie le 22 août 1924. Le tirage de luxe de cette édition comprend 15 exemplaires sur Chine, 50 exemplaires sur Madagascar hors commerce, 50 exemplaires réservés à l'auteur, 100 exemplaires sur Hollande et 1.000 exemplaires sur alpha Outhenin-Chalandre. Notre exemplaire, qui ne contient aucune justification de tirage au verso du titre, est imprimé sur papier bleu azur. Il s'agit sans doute d'un exemplaire unique sur ce papier, imprimé spécialement pour l'auteur ou l'imprimeur. Curieusement le volume ne contient aucun envoi autographe de l'auteur, ni aucune autre mention.

Ce roman écrit à la troisième personne reprend un thème cher à l'auteur et qu'il avait déjà abordé dans Suzanne et le Pacifique, son premier véritable roman. "Alors que jusque là Giraudoux avait pratiqué la confidence poétique de caractère autobiographique, c'est ici à nouveau le thème de l'évasion (dans Suzanne et le Pacifique l'héroïne jetée par un naufrage sur une île déserte se construit un monde par l'imaginaire), dans Juliette au pays des hommes, c'est dans une trame plus traditionnelle qu'évolue le personnage de Juliette. Elle quitte sa province avec pour tout bagage une fraîche innocence, une ingénuité qui entre pour beaucoup dans son charme. Elle monte à Paris, "le pays des hommes", pour y trouver l'aventure. Rencontres, frôlements, rien de la consistance qui annonce les drames humains. Giraudoux joue avec les demi-teintes, dans l'esprit des paraboles aussi, et Juliette rencontre l'auteur lui-même qui lui lit sa Prière sur la Tour Eiffel, allusion aux déclarations de la tradition donnée d'un point élevé pour lui conférer plus de grandeur, une valeur de sermon. La leçon en est aussi simple qu'évidente pour Giraudoux, et dans la récurrence de son discours : la vie idéale ne peut être reconstruite qu'en nous-mêmes. Non qu'il invite à de vagues rêveries, mais à un idéal "raisonné" s'appuyant plus sur l'intelligence que l'émotion. Morceau de choix, livre dans le livre, faisant de Juliette au pays des hommes un texte gigogne d'une incomparable beauté stylistique." (Extrait de Jean Jacques Lévêque, Les années folles, 1918-1939: le triomphe de l'art moderne. Jean Giraudoux, Juliette au pays des hommes, p. 60.)

"Le récit au féminin apparaît ici comme le mode d’expérimentation fantaisiste d’une série d’ajustements entre réel et imaginaire qui situe ce livre dans la filiation d’Alice au pays des merveilles, non sans qu’apparaissent quelques points de rencontre avec la Juliette du divin Marquis." (Site internet des Amis de Jean Giraudoux, Extrait de la notice de Juliette au pays des hommes. En ligne : http://giraudoux.univ-bpclermont.fr/index.php?page=3 Consulté le 13/08/10.


« Vérificatrice de l’irréel, de l’inimaginable, du non-révolu, Juliette s’étonnait de retrouver les êtres qu’un de ses désirs d’enfant avait attirés un quart d’heure à l’existence emportés désormais par l’âge, soumis au contrôle des concierges, et marqués, pour qu’elle n’eût pas de doute sur leur qualité humaine, d’une dent d’or ou d’un coryza. »
(Extrait de Juliette au pays des hommes).
BEL EXEMPLAIRE IMPRIMÉ SUR PAPIER BLEU, SANS DOUTE UNIQUE, DE CE ROMAN DE JEAN GIRAUDOUX.

VENDU

Une des premières éditions des Lettres de la Marquise de Sévigné (1726). Agréable exemplaire en veau de l'époque et grand de marges.



MARQUISE DE SÉVIGNÉ (Marie de RABUTIN-CHANTAL)

LETTRES DE MARIE RABUTIN-CHANTAL, MARQUISE DE SÉVIGNÉ, à Madame la Comtesse de Grignan sa fille. Tome premier et deuxième (complet).

Sans nom, sans lieu (Rouen), 1726.

2 tomes reliés en 1 volume in-12 (17 x 10 cm - Hauteur des marges : 161 mm), pages de titre imprimées en rouge et noir, vignette gravée sur bois sur les titres (différentes pour chaque titre) de 1 feuillet de titre, 271 pages (dont 14 pages de préface, ce premier tome contient 74 lettres de Mme de Sévigné, précédées de 4 lettres de M. de Coulanges), 1 feuillet blanc, et 1 feuillet de titre, 220 pages pour le deuxième tome (contient les lettres 75 à 134, soit 60 lettres). Exemplaire grand de marges.

Reliure plein veau brun, dos orné, pièce de titre de maroquin rouge (reliure de l'époque). Exemplaire en très bon état, habilement restauré aux coiffes et aux coins, légères reprises de dorure. Intérieur très frais, sans rousseurs.


CONTREFAÇON RARE DE L'ÉDITION DE ROUEN EN GROS CARACTÈRES PARUE LA MÊME ANNÉE (1726).

On sait que la première édition des lettres de Mme de Sévigné date de 1725 et a été donnée subrepticement en une mince plaquette de 75 pages regroupant seulement quelques lettres pour la plupart incorrectement retranscrites et fragmentaires (31 fragments). Cette première édition rarissime et quasi mythique n’était connue qu’à 2 ou 3 exemplaires à la fin du XIXè siècle, il ne semble pas qu’on en est répertorié d’autres depuis. Les bibliographes considèrent donc comme véritable seconde édition originale l’édition dite de Rouen publiée en 1726 par les soins du fils de Roger de Bussy-Rabutin (cousin indiscret de la Marquise). On a beaucoup tergiversé pour savoir s’il s’agissait du fils aîné (Amé-Nicolas de comte Bussy-Rabutin) ou bien du cadet, futur évêque de Luçon, abbé de Bussy. Cette édition furtive, désavouée par la petite-fille de Mme de Sévigné, Mme de Simiane, fille de Mme de Grignan, est très rare et les exemplaires en reliure de l’époque en bonne condition se rencontrent difficilement.

Notre exemplaire contient le feuillet blanc annoncé par Rochebilière entre la fin du premier tome et le titre du second. Il existe d’après Rohebilière deux tirages différents de cette édition avec des fleurons de titre différents (nous en avons repéré déjà au moins trois qui différent uniquement par la disposition et les fleurons de titre). Cette édition n’a pas d’errata (les fautes ont été corrigées).

BON EXEMPLAIRE D’UNE BELLE FRAÎCHEUR INTÉRIEURE.

LES ÉDITIONS ANCIENNES EN BELLE CONDITION D'ÉPOQUE DES LETTRES DE LA MARQUISE DE SÉVIGNÉ SONT TOUJOURS TRÈS RECHERCHÉES DES BIBLIOPHILES.

VENDU

jeudi 12 août 2010

Histoire de la papesse Jeanne d'après Spanheim et J. Lenfant (1738). Bel exemplaire en veau de l'époque.



SPANHEIM (par J. LENFANT)

HISTOIRE DE LA PAPESSE JEANNE, fidèlement tirée de la dissertation latine de M. de Spanheim, premier professeur en l'Université de Leyde. Nouvelle édition, augmentée & ornée de figures.

A La Haye, chez Scheurler, 1738.

2 volumes in-12 (17 x 10 cm) de (50)-331-(3) et (2)-328-(3) pages.

Reliure plein veau fauve moucheté glacé, dos à nerfs orné de fleurettes dorées, pièces de titre et tomaison de maroquin rouge, tranches jaspées bleues, doublures et gardes de papier marbré (reliure de l'époque). Reliures très bien conservées, très fraîches, infimes frottements et traces sans gravité, une petite fissure en pied d'un mors sans gravité, intérieur très frais. Bien complet des cinq gravures y compris celle qui est dépliante et qui manque souvent (accouchement en place publique de la papesse Jeanne).


NOUVELLE ÉDITION.

Il nous parait intéressant de rappeler ici les grandes lignes de cette extravagante histoire.

L'histoire de la papesse Jeanne est une de ces histoires curieuses que l'Église traine à sa suite depuis longtemps maintenant. La papesse Jeanne est une femme qui aurait usurpé la papauté catholique en cachant sa véritable identité sexuelle. Son pontificat est généralement placé entre 855 et 858, c'est-à-dire entre celui de Léon IV et Benoît III, au moment de l'usurpation d'Anastase le Bibliothécaire. Le personnage est considéré comme légendaire par les historiens. Vers 850, une jeune fille originaire de Mayence en Allemagne, nommée diversement Jeanne, Agnès, Marguerite ou Gilberte suivant les sources, quitte sa famille pour entreprendre des études, ou pour suivre son amant étudiant. Déguisée en homme, elle est connue sous le nom de Johannes Anglicus (Jean l'Anglais), ce qui dénote une origine anglaise. Elle étudie dans une université en Angleterre puis, après avoir obtenu son baccalauréat, part avec son compagnon étudier la science et la philosophie à Athènes. Après la mort de son amant, elle se rend à Rome où elle obtient un poste de lecteur des Écritures saintes avant d'entrer à la Curie. Selon certaines sources, elle est nommée cardinal. Tous s'accordent pour dire qu'elle est élue pape par acclamations, le peuple romain appréciant son érudition et sa piété. Deux ans plus tard, la papesse, séduite par un simple clerc ou par un cardinal plus clairvoyant que les autres, accouche en public : en célébrant la messe, ou à cheval, ou encore pendant la procession de la Fête-Dieu, entre la basilique Saint-Jean-de-Latran et la basilique Saint-Pierre. Selon le chroniqueur dominicain Jean de Mailly, elle est lapidée à mort par la foule ; selon Martin d'Opava, elle meurt en couches ; selon d'autres encore elle est simplement déposée. Il s'agit très probablement d'une légende, qui fut pourtant accréditée jusqu'au XVIe siècle par l'Église elle-même. Les chaises exhibées à l'appui, effectivement utilisées dans la cérémonie de couronnement des papes depuis la fin du XIe siècle, le sont au titre (douteux) de chaises curules, censées symboliser le caractère collégial de la Curie romaine. Aucune chronique contemporaine n'accrédite l'histoire et la liste des papes ne laisse aucun interstice dans lequel le pontificat de Jeanne pourrait s'insérer. En effet, entre la mort de Léon IV, le 17 juillet 855 et l'élection de Benoît III, entre lesquels Martin le Polonais place la papesse, il ne s'écoule que peu de temps, même si Benoît III n'est pas couronné avant le 29 septembre de la même année, du fait de l'antipape Anastase. Ces dates sont confirmées par des preuves solides, telles que des monnaies et des chartes. La chronique de Jean de Mailly suggère quant à elle un placement de Jeanne peu avant 1100. Or il ne s'écoule que quelques mois entre la mort de Victor III (16 septembre 1087) et l'élection d'Urbain II (12 mars 1088), et quelques jours seulement entre la mort de ce dernier (29 juillet 1099) et l'élection de Pascal II (13 août 1099). La légende comporte de nombreuses variantes mais beaucoup des détails mentionnés sont totalement anachroniques. Ainsi, Jeanne est censée étudier d'abord dans une université anglaise, alors que la plus ancienne, celle d'Oxford, date du XIIIe siècle. Le baccalauréat remonte également à la même époque. Athènes ne possède au IXe siècle aucune école susceptible de dispenser un enseignement de science et de philosophie et se trouve alors aux mains des « barbares ». La Fête-Dieu n'est instaurée qu'en 1264, sous Urbain IV. La légende s'est développée au cours du Moyen Âge. La première mention connue de la papesse se trouve dans la Chronica universalis de Jean de Mailly, dominicain du couvent de Metz, rédigée vers 1255. La légende se propage ensuite rapidement et sur une large étendue géographique, ce qui laisse supposer qu'elle existait déjà auparavant et que le dominicain se soit contenté de la consigner par écrit. Vers 1260, l'anecdote se retrouve chez Étienne de Bourbon, également dominicain et de la même province ecclésiastique que Jean de Mailly, dans son Traité des divers matériaux de la prédication. C'est surtout le récit qu'en fait le dominicain Martin le Polonais, chapelain de plusieurs papes, dans sa Chronique des pontifes romains et des empereurs, vers 1280, qui lui assure le succès. L'accueil que font les milieux pontificaux à l'anecdote s'explique par l'intérêt du cas juridique, et sans doute par une volonté d'imposer une interprétation officielle à l'événement. Boccace est le premier écrivain laïc à reprendre l'histoire de Jeanne dans Les Dames de renom (1353). Polémiques : En effet, la légende est rapidement reprise à des fins polémiques. Le franciscain Guillaume d'Ockham dénonce une intervention diabolique en la personne de Jeanne, qui préfigure celle de Jean XXII, adversaire des « spirituels » (dissidents franciscains). Lors du Grand Schisme d'Occident, l'histoire de Jeanne prouve, pour les deux partis, la nécessité légale d'une possibilité de déposition. Jan Hus la mentionne devant le concile de Constance pour remettre en cause le principe de la primauté romaine : pour lui, Jeanne a définitivement mis fin à la succession apostolique. Il est suivi sur ce point par Calvin, puis par Théodore de Bèze qui soutient cette thèse au colloque de Poissy. De son côté, Luther témoigne avoir vu en 1510 un monument en l'honneur de la papesse, la représentant en habits pontificaux, un enfant à la main ; il conclut à l'endurcissement irrémédiable d'une papauté qui ne prend même pas la peine de détruire un tel édifice. En Angleterre, le mouvement anti-papiste qui suit la création de l'Église anglicane produit un grand nombre de récits sur la papesse. À l'époque élisabéthaine, le mouvement culmine dans de fausses processions qui brûlent le pape en effigie : dans le même temps, sont publiés Un cadeau pour les papistes : vie et mort de la papesse Jeanne, où l'on prouve à partir d'ouvrages imprimés et de manuscrits d'écrivains papistes et d'autres, qu'une femme nommée Jeanne a bien été pape de Rome, où elle a accouché d'un bâtard en pleine rue, alors qu'elle prenait part à une procession solennelle, L'Histoire de la papesse Jeanne et des putains de Rome et surtout une tragédie, La Femme prélat : histoire de la vie et de la mort de la papesse Jeanne, d'Elkanah Settle, qui ajoute de nouvelles péripéties au récit médiéval. Réfutation : Les premières attaques protestantes poussent l'érudit Onofrio Panvinio, moine augustin, à rédiger en 1562 la première réfutation sérieuse de la légende dans sa Vitæ Pontificum (Vie des papes). Il est suivi par un juriste français, Florimond de Raemond, dans un ouvrage publié d'abord en 1587 de manière anonyme, Erreur populaire de la papesse Jeanne (également connu par la suite sous le titre L'Anti-Papesse), qui sera réédité quinze fois. Au XVIIe siècle, les luthériens se rallient à cette argumentation. Les explications de la légende sont diverses. Le mythe fut peut-être imaginé à partir du surnom de « Papesse Jeanne » donné de son vivant au pape Jean VIII pour sa faiblesse face à l'Église de Constantinople, ou bien du surnom de « papesse Jeanne » donné à la maîtresse autoritaire du pape Jean XI, Marozie. Enfin, le mythe renvoie aux inversions des valeurs rituelles, typiques des carnavals. Un autre ressort de la légende vient peut-être de la prescription judaïque du Lévitique (21:20), qui interdit le service de l'autel à un « homme aux testicules écrasées », c'est-à-dire un eunuque. L'idée qui en découle, de vérifier que seuls les hommes « entiers » accèdent à la prêtrise, a probablement été à l'origine de la vérification cérémonielle, sujet tentant pour une disputatio de quo libet estudiantine du Moyen Âge. La légende a séduit divers auteurs de fiction par son caractère romanesque, par exemple Emmanuel Roïdis dans La Papesse Jeanne, traduit en anglais par Lawrence Durrell et en français par Alfred Jarry, ou plus récemment La Papesse Jeanne de Yves Bichet. Suite de la légende : Selon la version actuelle de la légende, l’aventure contraindrait depuis l’Église à procéder à une vérification rituelle de la virilité des papes nouvellement élus. Un ecclésiastique serait censé examiner manuellement les organes génitaux, au travers d’une chaise percée. L’inspection terminée, il pourrait s’exclamer « Duos habet et bene pendentes » (« il en a deux, et bien pendantes »), ce à quoi le chœur des cardinaux répondrait : « Deo gratias » (« rendons grâce à Dieu »). Il serait arrivé qu’un candidat ait perdu un attribut. C’est alors que le vérificateur se serait exclamé : « Est unus » (« il y en a un »). Le répond aurait alors été : « sufficit » (« suffisant »). Les guerres, la capture par les pirates barbaresques auraient parfois dépouillé un candidat de ses attributs virils. Le cardinal vérificateur désolé aurait alors déclaré : « Est nullus » (« il y en a aucun ») et le répond aurait été : « Deus providebit » (« Dieu y pourvoira »). De plus, les processions pontificales, pour éviter de remuer des souvenirs douloureux, éviterait désormais de passer par la Basilique Saint-Clément-du-Latran, lieu de l’accouchement, dans leur trajet du Vatican au Latran ; cependant, une statue installée à l’endroit fatidique commémore l’incident
. (Source Wikipedia)

Cette traduction est due à Jacques Lenfant. L'auteur essaye à travers plusieurs dizaines de témoignages de prouver l'existence de cette papesse déjà controversée à l'époque. La première édition de ce texte date de 1694. La première planche, repliée, dite de la "procession" fit scandale. Elle montre la Papesse à terre ayant accouché en public, le nouveau-né nu sur le pavé. Une autre, dite de la "chaise percée", représente l'élément de mobilier qui permettra, par la suite, de contrôler la masculinité du candidat au siège pontifical.

"Spanheim appuie son raisonnement sur le défilé des autorités, fait mourir Léon IV le 1er août 854, et place le pontificat de Jeanne dece même mois à celui de septembre 856, Benoît III étant élu dans la foulée. Cet ouvrage, le plus complet de ceux qui existaient jusqu'alors sur cet objet, forme prés de 600 pages ; il entasse prolixement les arguments qu'on peut opposer aux objections dirigées contre la papesse ; il énumère cent cinquante écrivains qui ont fait mention de la chose. Le libraire a ajouté à ses deux volumes plusieurs gravures,œuvre d'un burin batave qui n'est pas sans quelque mérite, mais qui donne aux personnages du neuvième siècle des costumes beaucoup trop modernes." (Extrait de La papesse Jeanne, En ligne : http://www.noosfere.org/icarus/articles/Fontana_papesse-jeanne.pdf [Consulté le 12/08/10] Dossier réalisé par Jean-Pierre Fontana – 7 avril 2010.

Référence : Caillet 10290. Dorbon 4631.

Provenance : Exemplaire de la bibliothèque Jules Bobin, avec sa signature manuscrite à chaque volume. Jules Bobin était libraire, c'était un grand bibliophile qui avait réuni une immense collection de livres anciens et de livres rares. Parmi ces livres nombreux étaient ceux concernant l'occultisme, la liturgie, les curiosités religieuses. C'était un ami très proche de Joris-Karl Huysmans. Exemplaire du cabinet du baron de Fleury, avec son ex libris armorié (XIXe s.). Il s'agit du baron Le Caron de Fleury, dont une partie de la riche bibliothèque formée dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Almanachs illustrés) fut vendue le 30 mai 1908.

BEL EXEMPLAIRE DANS DE FRAÎCHES RELIURES EN VEAU DE L'ÉPOQUE, DE CET OUVRAGE CURIEUX.

VENDU

mardi 10 août 2010

Histoire de la mère et du fils : Louis XIII et Marie de Médicis (1730). Edition originale rare reliée aux armes de Fevret de Fontette (Bourgogne).




François Eudes de MEZERAY [faussement attribué à]
Cardinal de RICHELIEU [Aussi attribué au]

HISTOIRE DE LA MÈRE ET DU FILS. C'est à dire, de MARIE DE MÉDICIS, Femme du GRAND HENRI, & MÈRE DE LOUIS XIII, Roi de France et de Navarre. Contenant l'état des affaires politiques & ecclésiastiques arrivées en France depuis l'an 1616 [i.e. 1600] jusques à la fin de 1619. Par François Eudes de Mézeray, historiographe de France.

A Amsterdam, chez Michel-Charles Le Cene, 1730.

1 volume in-4 (25,5 x 20 cm) de (4)-253-(21) pages.

Reliure plein veau brun, dos à nerfs orné, armes au centre des plats, tranches mouchetées rouge (reliure de l'époque). Coiffes et coins usés, cuir frotté par endroit, début de fente aux mors (reliure néanmoins solide). Premiers et derniers feuillets brunis sur leur pourtour.


ÉDITION ORIGINALE EN GRAND FORMAT.

Il a paru la même année une édition en 2 volumes in-12 et une contrefaçon l'année suivante. De toutes c'est cette première édition en grand format qui doit avoir la préférence.

Quérard dans sa France littéraire écrit : "Mézeray à pu travailler, dans sa jeunesse, à cet ouvrage ; mais ce n'est pas une production digne de lui." Barbier, dans son Dictionnaire des anonymes, pense que cet ouvrage serait plutôt du cardinal de Richelieu. Pourtant l'avertissement placé en tête de l'ouvrage précise : "Cet ouvrage qui parait pour la première fois, n'est point un de ces livres que la supercherie d'un éditeur intéressé attribue faussement à de célèbres écrivains. Celui-ci se trouve en manuscrit dans la Bibliothèque du Roi de France, et est du nombre des manuscrits de Mézeray, qui ont été transportés du Cabinet de Duchesne. (...)"

Provenance : Exemplaire de la bibliothèque de Claude Marie Févret de Fontette dit Fontette (1710-1772), conseiller au Parlement de Bourgone, avec ses armes au centre des plats. Connu comme historien, homme de lois et bibliophile, issu d'une famille de magistrats, il s'adonna à l'histoire et rassembla de nombreux documents qui furent recueillis à la Bibliothèque royale. On lui doit une édition fort améliorée de Bibliothèque historique du père Lelong, parue en 1768. Il fut élu associé libre de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres en 1761. Son blason se lit ainsi : Écartelé: aux 1 et 4, d'azur, à trois bandes d'or (Fevret); aux 2 et 3, d'argent, à une hure de sanglier arrachée de sable, posée en bande, armée d'argent et lampassée d'une flamme de gueules (Gorgiard). Casque avec lambrequins. Supports: deux sangliers. O.H.R pl. 97. Cachet J. Poinssot (titre). On comprend que cet ouvrage, tiré de la Bibliothèque du Roi ait attiré l'attention de Fevret, étant donné son penchant pour l'histoire et les manuscrits.

BON EXEMPLAIRE DE CET OUVRAGE RARE EN GRAND FORMAT, AUX ARMES DU BOURGUIGNON FEVRET DE FONTETTE.

VENDU

L'Histoire de Louis XIII, roi de France et de Navarre et de la régence de Marie de Médicis (1610-1616). Ouvrage peu commun en reliure de l'époque.




[Claude MALINGRE]

HISTOIRE DE LOUIS XIII, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE : Contenant les choses mémorables arrivées, tant en France qu'es pays étrangers, durant le temps de l'Auguste Régence de la Reyne sa mère, & depuis sa majorité, à savoir les affaires d'Allemagne, Pays-Bas, Angleterre, Espagne, Italie, guerres de Savoie etc. Mais particulièrement ce qui s'est passé en France aux États, mouvements derniers, entre les deux armées, voyages de Bretagne & Guyenne, Alliance d'Espagne, & Conférence de Loudun, jusques à l'Édit de pacification.

A Paris, chez Jean Petit-Pas, 1616.

1 fort volume in-4 (24,5 x 17,5 cm) de (8)-912-(1) pages. Complet des deux portraits frontispices de Louis XIII enfant à cheval en tenue d'apparat et de sa mère Marie de Médicis également en grande tenue d'apparat sur le trône (portraits par Messager).

Reliure plein parchemin souple à rabats, parchemin ivoire moucheté de marron, pièce de titre en maroquin au dos (usée sur les bords), tranches mouchetées marron (reliure de l'époque). Reliure en bon état, solide et décorative, intérieur bruni (galerie de vers sans gravité dans la marge intérieure de quelques feuillets), avec quelques rousseurs (le papier reste solide), deux tableaux dépliants (petits manques sur les bords pour l'un des deux), petits manques de papier en bordure de la page de titre. Jolie vignette à l'eau-forte sur le titre.

ÉDITION ORIGINALE RARE.

Lorsque cet ouvrage parait, Louis XIII est âgé de seulement quinze ans. Sa mère, Marie de Médicis, alors régente du royaume de France depuis l'assassinat du roi Henri IV son époux en 1610, tient les rênes du pouvoir, et ce jusqu'à l'année suivant l'édition de cette monumentale histoire (1617).


Cette histoire est l'œuvre de Claude Malingre, historiographe du roi. Le privilège est cédé au libraire Petit-Pas le 30 juillet 1616. Elle nous emmène jusqu'aux évènements survenus à la fin du mois de juin 1616. L'ouvrage est dédié à la reine mère du roi, ce qui en dit assez long sur l'indépendance réduite de l'auteur dans ses propos. Le texte s'ouvre sur le sacre et le couronnement de Marie de Médicis qui devient régente du royaume en 1610. On trouve ensuite le récit de la mort déplorable du roi Henri IV, un abrégé de sa vie, le sacre et couronnement du jeune roi Louis XIII âgé de neuf ans. A la suite se trouve l'histoire pour les années 1611, 1612, 1613, 1614, 1615 et 1616 (jusqu'en juin). L'ensemble contient un grand nombre d'extraits de documents de l'époque (extraits des registres de la cour de Aydes, Parlement, Conseil, etc.).


Qui était Claude Malingre, historiographe du roi ? Michaud dans sa Biographie universelle le dit historien fort médiocre. Il était né à Sens vers 1580, de parents pauvres. "Ce n'est pas qu'il n'y ait dans ses ouvrages des recherches intéressantes, mais il manque d'exactitude, son style est incorrect, et son penchant pour la flatterie suffit pour lui ôter toute confiance." Il mourut vers 1653. Malingre, sans être un historien aujourd'hui reconnu, était un témoin de premier ordre et ses récits, documentés, ont l'avantage de présenter les évènements, au moment ou très peu de temps après qu'ils ont eu lieu.

BON EXEMPLAIRE EN CONDITION D'ÉPOQUE DE CE LIVRE PEU COMMUN.

VENDU

dimanche 8 août 2010

Riccoboni et Molière : La comédie en questions. Observations sur la comédie et sur le génie de Molière (1736)



Luigi ou Louis RICCOBONI

OBSERVATIONS SUR LA COMÉDIE ET SUR LE GÉNIE DE MOLIÈRE.

A Paris, chez la Veuve Pissot, 1736. [De l'imprimerie de la Veuve Paulus-Du-Mesnil. 1735].

1 volume in-12 (17 x 10 cm) de XX-(4)-357-(1) pages.

Reliure plein veau brun granité, dos à nerfs orné de caissons avec motif doré répété, filets dorés, roulette dorée sur les coupes, doublures et gardes de papier marbré, tranches rouges (reliure de l'époque). Reliure en très bon état, un éclat réparé à l'extrémité de la coiffe supérieure. Légers frottements. Intérieur très frais, sans rousseurs.


ÉDITION ORIGINALE.

Riccoboni (1676?-1753) fut longtemps comédien et connu au théâtre sous le nom de Lélio, par lequel on désignait l’emploi des amoureux. Fort jeune encore, il se mit à la tête d’une troupe nomade et donna des traductions de Molière. Il tenta d'établir le système dramatique de la Comédie-Française en Italie, mais le peu de goût de ses compatriotes pour la haute comédie lui fit chercher fortune à Paris avec le fameux Dominique, où il partagea ses succès. Il devint directeur de la Comédie-Italienne, qui obtint un rapide succès et où il joua plusieurs pièces composées dans sa jeunesse et dont le recueil parut sous le titre de Nouveau Théâtre italien (Paris, 1728, 2 vol. in-12). À la demande du duc de Parme, il se retira vers 1729 à Parme, où il devint intendant des menus plaisirs et inspecteur des théâtres mais, deux ans après, la mort de son protecteur, jointe à des scrupules religieux que l’on voit poindre dans son livre de la Réformation du Théâtre (Paris, 1743), le déterminèrent à revenir à Paris et à renoncer à l’art dramatique. On lui doit, entre autres, une importante Histoire du Théâtre italien depuis la décadence de la comédie latine, Paris, 1728-31, 2 vol. in-8° ; Observations sur la Comédie et le génie de Molière, 1736 ; Nouveau Théâtre italien, Paris, 1718 (recueil de ses pièces de théâtre) ; une traduction en vers d’Andromaque, des traductions en prose de Britannicus et de Manlius ; un poème Dell’Arte representativa (Londres et Paris, 1728, in-8°) ; Observations sur la comédie et sur le génie de Molière (Paris, 1736, in-12) ; Pensées sur la déclamation (1737, in-8°) ; Réflexions et Critiques sur les différents théâtres de l'Europe, (1738, in-8°), etc.

Outre une étude des différentes composantes de ce que devrait être la Comédie. Riccoboni examine les pièces de théâtre de Molière, les critique. Selon Quérard, Riccoboni considérait les pièces de Molière comme dangereuses pour les mœurs. Riccoboni qui rêvait d'être le Molière italien n'y parvint cependant jamais.

OUVRAGE PEU COMMUN, ICI EN BELLE CONDITION D'ÉPOQUE.

VENDU

Bibliophilie : Superbe exemplaire en maroquin citron à dentelle droite des Prières chrétiennes en forme de méditations du Père Pasquier Quesnel (1708)



Pasquier QUESNEL

PRIÈRES CHRÉTIENNES EN FORME DE MÉDITATIONS sur tous les mystères de notre Seigneur, de la Sainte Vierge, & sur les dimanches & les fêtes de l'année. Première et deuxième partie (complet). Nouvelle édition, revue, corrigée, & augmentée par l'auteur.

A Paris, chez Elie Josset, 1708.

2 volumes in-12 (17 x 10 cm) de (8)-354 et (8)-398 pages.

Reliure plein maroquin citron, dos à nerfs richement orné aux petites fers pointillés dorés, plats encadrés d'une roulette droite dorée, roulette dorée sur les coupes, roulette dorée en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier doré d'Augsbourg (maison J. Enderlin), tranches dorées sur marbrure (reliure de l'époque). Reliures très fraîches à l'état proche du neuf, à noter un petit manque de cuir au mors inférieur du premier volume (absolument peu visible et sans gravité aucune). Intérieur imprimé sur un beau papier fin, entièrement réglé à l'encre brune. La reliure est d'excellente facture et sort très probablement d'un atelier renommé actif à Paris dans les premières années du XVIIIe siècle. Quelques indices, comme un corps d'ouvrage ferme et parfaitement réalisé (Boyet n'était que relieur et non doreur - il confiait les corps d'ouvrages réalisés à des doreurs dont on reconnait aujourd'hui la marque (roulettes, fleurons, etc.), nous laissent croire à des reliures sorties de l'atelier de Luc-Antoine Boyet (actif entre 1680 et 1720).


NOUVELLE ÉDITION.

Cet ouvrage de piété à l'usage des fidèles chrétiens reçoit l'approbation des docteurs de la faculté de Paris le 20 septembre 1687. On trouve en tête du second volume le privilège accordé par le roi Louis XIV en date du 1er jour de mai 1701. L'auteur, qui n'est pas nommé dans l'approbation au premier volume mais dont le nom est donné dans le privilège, est le Père Pasquier Quesnel, qui devient célèbre lorsque son ouvrage "Le Nouveau Testament en français avec des Réflexions Morales sur chaque verset" (Paris, 1687-1692), qui suscitait déjà depuis quelques temps une vive polémique, fut finalement condamné cette même année 1708 (13 juillet) par le pape Clément XI. Oratorien largement influencé par les doctrines jansénistes, Quesnel les avait introduites dans ses Réfléxions Morales. Cette condamnation par Rome est à l'origine de la Bulle Unigenitus (septembre 1713), qui dénonce le jansénisme et condamne comme fausses ou hérétiques cent-une propositions extraites des Réflexions Morales. Cette bulle qui ne fut pas enregistrée au Parlement de Paris, ni même acceptée par les dignitaires de la religion en France, excita les rivalités entre les différents factions de l'Église de France, défenseurs des libertés de l'Église gallicane, jansénistes convaincus et catholiques. Un décret de l'Inquisition déclara quatre évêques français comme hérétiques et schismatiques. La bulle fut progressivement acceptée et l'opposition janséniste s'éteignit tout doucement. L'affaire dura jusqu'en 1729. Lorsque la mort du pape Clément XI survint le 19 mars 1721, les choses étaient loin d'être apaisées. Pasquier Quesnel, de son côté, mourut à Amsterdam le 2 décembre 1719, il avait pris la tête du parti janséniste depuis la mort d'Arnauld et avait vécu la clandestinité et les souffrances de la prison et de l'exil. Confronté au risque de se voir refuser les derniers sacrements à l'heure de sa mort, il demanda et reçut ces derniers sacrements le 2 décembre 1719, dans sa quatre-vingt sixième année, et, en présence de deux protonotaires apostoliques et d'autres témoins, il fit une profession de foi. Cette formule était privilégiée par les jansénistes car elle ne faisait pas allusion à l'infaillibilité pontificale ni aux propositions condamnées.

Les Prières Chrétiennes en forme de Méditations, publiées pour la première fois en 1688 (Paris, Roulland), connurent un succès considérable pendant un temps assez long. "Les partisans de Quesnel ont fait faire grand nombre d'éditions de ce livre. Dans les prières sur la fête de Saint Bernard, il insinue l'hérésie de la décadence et de la vieillesse de l'Église, et il fait un magnifique éloge des religieuses de Port-Royal, ouvertement révoltées contre les deux puissances." (Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes, etc.). Cet ouvrage est intéressant en ce qu'il contient à la suite de chaque prière des "pratiques", sortes de règles à suivre, morales et préceptes donnés aux lecteurs pour se bien conduire et bien suivre les règles de l'Église. Ce sont ces pratiques qui révèlent presque à chaque phrase tout l'esprit janséniste de son auteur.



SUPERBE EXEMPLAIRE DANS SA DÉLICIEUSE RELIURE EN MAROQUIN CITRON A DENTELLE DROITE, SANS DOUTE SORTIE DE L'ATELIER DE LUC-ANTOINE BOYET.

LIVRE DE PIÉTÉ JANSÉNISTE.

VENDU

vendredi 6 août 2010

Les amours d'Anne d'Autriche avec Richelieu véritable père de Louis XIV (1730). Rare édition de ce célèbre pamphlet. Joli maroquin de Courteval.



ANONYME

AMOURS D'ANNE D'AUTRICHE ÉPOUSE DE LOUIS XIII, AVEC MR. LE CARD. DE RICHELIEU, LE VÉRITABLE PÈRE DE LOUIS XIV, ROI DE FRANCE. Où l'on voit au long comment on s'y prit pour donner un héritier à la couronne, les ressors qu'on fit jouer pour cela, & enfin tout le dénouement en cette comédie. Nouvelle édition revue & corriger (sic).

A Cologne, [titre à la sphère armillaire] chez Pierre Marteau, 1730.

1 volume in-12 (13,5 x 8 cm) de (22)-139 pages.

Reliure plein maroquin mauve sombre à grain long, dos lisse richement orné, plats orné d'encadrement à froid et d'un jeu de filets et roulettes en encadrement au centre des plats, petits ombilics dorés répétés, filet doré sur les coupes, encadrement intérieur doublé en maroquin décoré avec fers dorés, avec doublure de soie moirée rouge au centre, filets dorés, gardes de soie moirée rouge, tranches dorées (reliure signée COURTEVAL, avec son étiquette imprimée, vers 1800-1810). Reliure très bien conservée avec quelques traces de frottements à peine visibles, intérieur en très bon état, rousseurs sur le titre.


NOUVELLE ÉDITION.

La première édition de cet ouvrage curieux et peu commun date de 1692 (Cologne, Guillaume Cadet), elle ne contenait pas le nom du Cardinal de Richelieu en entier sur le titre. La première édition à nommer de Cardinal date de 1696 (Cologne, Pierre Marteau). On ne connait pas l'auteur de ce violent pamphlet contre Louis XIV. On a souvent lu le nom du Cardinal de Richelieu dans les initiales C.D.R. mais c'est sans doute Rantzau ou Rivière qu'il faut lire dans l'idée de l'auteur. On a aussi parfois cité le comte de Rochefort. Il existe au moins six éditions entre 1692 et 1738. Lire au sujet de cet ouvrage notre article dans les colonnes du Bibliomane moderne : http://le-bibliomane.blogspot.com/2009/10/les-amours-danne-dautriche-epouse-de.html


Courteval, relieur installé rue des Carmes à Paris, s'établit à Paris en 1796 où il fut actif sous le Directoire et le Consulat, il avait la réputation de tout exécuter lui-même. Les reliures de Courteval se situent dans la même lignée que celles de Bozérian, avec ce soupçon d'inventivité et de créativité en plus. La dorure est ici particulièrement originale et bien disposée. Sans être rare, vu le nombre important d'éditions anciennes, ce pamphlet ne se trouve pas facilement en belle condition.


BEL EXEMPLAIRE DANS UNE DÉLICIEUSE RELIURE DE COURTEVAL.

VENDU

jeudi 5 août 2010

Les factums de Furetière envers l'Académie française et son dictionnaire (1694). Bel exemplaire en reliure de l'époque.



Antoine FURETIÈRE

NOUVEAU RECUEIL DES FACTUMS DU PROCEZ, D'ENTRE DÉFUNT MR. L'ABBÉ FURETIÈRE, L'UN DES QUARANTE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE, et quelques-uns des autres membres de la même académie. Dans lequel on trouvera quantité de pièces très-bellles & très-curieuses des deux parties, qui n'avaient pas été données au public. Dernière édition, considérablement augmentée.

A Amsterdam, chez Henry Desbordes, 1694.

2 forts volumes in-12 (15,5 x 8,5 cm) de (20)-544 et (2)-525-(9) pages, avec un fronstipice gravé sur bois différent pour chaque volume. titres imprimés en rouge et noir.

Reliure pleine basane marron, dos à nerfs richement ornés aux petits fers dorés, tranches rouges (reliure de l'époque). Reliure en très bon état (quelques épidermures sans gravité sur les plats, deux piqures de vers peu visibles), intérieur en très bon état avec rousseurs éparses, papier fin, quelques rares piqures de vers dans les marges de quelques feuillets seulement. Collationné complet.


NOUVELLE ÉDITION EN GRANDE PARTIE ORIGINALE.


Antoine Furetière (1619-1688), tout à la fois poète, fabuliste, romancier et lexicographe, se fait tout d'abord reconnaître du public pour son Roman bourgeois (1666). Élu membre de l'Académie française en 1662. Singulièrement agacé par la lenteur de l'avancement des travaux du Dictionnaire de l'Académie, ainsi que par l'absence de prise en compte des termes scientifiques, techniques et artistiques, il sollicite et obtient de Louis XIV un privilège pour publier son propre Dictionnaire, dont il avait commencé la rédaction dès le début des années 1650. L'entreprise n'étant pas du goût de tous ses collègues académiciens et les accusations devenant de plus en plus aigres, Furetière intente un procès qu'il eût probablement perdu si sa mort n'était venue mettre un terme à la querelle. Ayant publié en 1684 un extrait de son Dictionnaire, il est exclu de l'Académie le 22 janvier 1685 à une voix de majorité. Toutefois, le roi, protecteur de l'Académie, intervient pour s'opposer à l'élection d'un remplaçant du vivant de Furetière. Lié d'amitié depuis de longues années avec Jean de La Fontaine, il se brouille définitivement avec lui lorsque le fabuliste refusa de prendre parti en sa faveur dans la querelle. Vexé par le sort qui lui est fait, Furetière se lance alors dans la publication de violents pamphlets contre l'Académie et les académiciens, dont le plus célèbre est Couches de l'Académie en 1687. S'il n'eut pas la satisfaction de voir son œuvre maîtresse publiée de son vivant, l'histoire retiendra qu'elle vint à son terme quatre ans après sa mort avec la première édition du Dictionnaire de l'Académie françoise (1694), et que « Le Furetière», comme on l'appelle familièrement, plus de trois siècles après sa publication, connaît un succès qui ne s'est jamais démenti, comme en témoignent les nombreuses rééditions qu'il a connues jusqu'à nos jours.


Cette édition des factums de 1694 servira de texte de référence pour la réédition mise en œuvre par Charles Asselineau en 1859 (Paris, Poulet-Malassis). Le deuxième volume porte le titre de suivant : "Les preuves par écrit, des faits contenus au procès de défunt Mr. l'abbé Furetière etc." Chaque volume comporte des titres particuliers intermédiaires compris dans la pagination. Les deux frontispices gravés sur bois sont très curieux.

"Les Factums de Furetière contre l'Académie qui obtinrent tant de succès lors de leur apparition, furent d'abord publiés de format in-4°. Ils furent réimprimés plusieurs fois en Hollande, de 1685 à 1688, en 1 vol. in-12 et depuis lors en 2 vol. L'édition que nous annonçons est la dernière. Elle contient un grand nombre de pièces piquantes, parmi lesquelles il faut ranger en premier ordre les Couches de l'Académie (tom. I, p. 271). Quoique les penchants de l'éditeur le portassent à préférer la cause de Furetière à celle de l'Académie, il n'a pas plus ménagé l'un que l'autre dans l'assemblage des pièces qui composent son recueil. Une des réflexions scandaleuses qui donnent encore tant de saveur au récit de débats qui, sans cette circonstance, seraient presque oubliés aujourd'hui, est relative à la tenue des séances particulières de l'Académie française et aux discussions qui s'élevaient entre des membres de cette compagnie très célèbre et quelques médiocrités ou nullités que le maréchalat littéraire n'a pas sauvées de l'oubli. On y voit figurer le bon La Fontaine, que Furetière appelle Arétin mitigé, Quinault, Perrault, Bensserade, Bégnier-Desmarais, que le malin abbé traite avec une rigueur qu'ils ne méritaient pas et qu'il aurait dû réserver exclusivement pour les Coras, les Boyer, les Cassagne et autres écrivains de même étoffe. Au nombre des anecdotes réjouissantes dont il sème ses récits, on remarque celle du combat à coups de dictionnaires qui eut lieu entre Charpentier et l'abbé Tallemant. « Ce fut alors qu'on vit ce combat fabuleux décrit si agréablement dans le Lutrin de M. Despréaux, converti en réalité. » (Tom. I, p. 334.) Notre édition, quoique moins belle que celles qui l'ont précédée, doit obtenir la préférence parce qu'elle est plus complète." (in Bulletin du Bibliophile, n°13, neuvième série, année 1850, p.580-581)


BEL EXEMPLAIRE D'UN OUVRAGE PEU COMMUN.

VENDU

Boureau-Deslandes et ses Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant (1758). Ouvrage matérialiste précurseur de La Mettrie.




André-François BOUREAU DES LANDES

RÉFLEXIONS SUR LES GRANDS HOMMES QUI SONT MORTS EN PLAISANTANT. Nouvelle édition, augmentée d'épitaphes & autres pièces curieuses qui n'ont point encore paru.

A Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1758.

1 volume in-12 (15 x 8,5 cm) de (2)-XXII-300-(10) pages.

Reliure plein veau fauve marbré, dos lisse richement orné, pièce de titre de maroquin rouge, doublures et gardes de papier marbré, tranches rouges (reliure de l'époque). Reliure et intérieur très bien conservés. Très frais.

Provenance : Ex libris manuscrit à l'encre brune sur le titre : F. S. Ménard (XVIIIe siècle).


NOUVELLE ÉDITION EN PARTIE ORIGINALE.

Cet ouvrage curieux a paru pour la première fois en 1714. Il ne comptait avoir guère plus de 200 pages. Il y a aussi une édition de 1732.

Ainsi peut-on lire dans l'Analectabiblion de 1837 la notice suivante sur Deslandes et son ouvrage, forcément désuète mais qui éclaire bien le propos de l'ouvrage :

« André François, Bureau Deslandes était né à Poitiers en 1690, il fut commissaire général de la marine, à Brest, et il est mort à Paris en 1757, auteur d'une Histoire critique de la philosophie, d'un Recueil de traités de Physique et d'Histoire naturelle, de Pygmalion, de la comtesse de Monferrat et de quatorze autres ouvrages indiqués par M. Barbier, il est aussi le père de ces Réflexions, qu'il adresse à son ami, le sieur de la Chapelle, de l'Académie française, écrivain médiocre, à qui l'on doit, entre autres choses, les Lettres d'un Suisse à un Français sur les intérêts des princes. Le bon abbé l'Advocat, en qualifiant Deslandes d'auteur estimable qui pousse trop loin la liberté de penser ne pousse pas assez loin, pour un docteur de Sorbonne, la liberté de critiquer ; car ces Réflexions sur les grands hommes morts en plaisantant étalent, sous une forme qui heureusement n'est pas séduisante, le matérialisme le plus brutal. C'est un des premiers écrits de ce genre qui aient paru en français, alors que les esprits révoltés des persécutions religieuses, dont la fin du règne de Louis XIV fut souillée, et las d'une hypocrisie tracassière que le jésuite Le Tellier avait introduite à la cour, se précipitèrent, sans mesure, vers une nouvelle recherche des principes de la philosophie rationnelle. Deslandes annonce dans sa préface, que le goût du public de son temps, fatigué de maximes de morale détachées, telles qu'on en trouve chez MM. de la Rochefoucauld et de La Bruyère, s'étant tourné du côté de la métaphysique, il a entrepris son livre pour s'y conformer, en lui donnant d'ailleurs une forme légère, plus proportionnée à la faiblesse et à l'humeur de ses contemporains. On reconnaît , dès ce début, un auteur impertinent ; aussi l'est-il sans difficulté. Il n'a pas tiré grand profit, dit-il, de l'Officina du médecin Revisius Textor, où se trouve compilé un catalogue des Grands Hommes morts à force de rire, non plus que de l'Historia ludicra de Balthazar Bonifaccio, archidiacre de Trévise, où son sujet est abordé. Ajoutons qu'il n'a tiré grand profit de rien, pas même de sa raison, puisqu'il ne professe que du dédain pour des opinions dont le monde s'honore depuis qu'il y a des hommes. A l'entendre, il a essayé de réaliser le vœu de Montaigne, qui voulait faire un livre des morts notables, dessein bien digne d'un esprit sincère et investigateur tel que Montaigne ; mais certainement il n'a pas réalisé ce dessein comme l'eût fait l'auteur des Essais, ce penseur non moins sage que hardi, qui, assistant son ami au lit de mort, réveillait, dans sa pensée affaiblie, les consolantes idées de l'immortalité de l'âme humaine. Ces Réflexions, du reste, ne contiennent que 23 chapitres fort courts et fort superficiels. Une revue satirique des peines et des folies de l'humanité dans ses diverses conditions y mène d'abord à cette conclusion, que la mort est plus à souhaiter qu'à craindre ; lieu commun réfuté par le prix que chacun attache à la vie. Puis, de l'idée d'une mort inévitable et toujours imminente, le lecteur est conduit à la recherche hâtive des plaisirs ; déduction anacréontique plus que morale. Puis Deslandes cite Fontenelle, qui blâme Caton d'avoir pris la vie et la mort si sérieusement ; mais Fontenelle était un égoïste, à la vérité plein de bienveillance et de délicatesse, mais enfin un égoïste, et Caton n'était pas égoïste. S'il n'y avait sur la terre que des Caton, une société s'ensuivrait très solide et très vertueuse ; tandis que, s'il n'y avait qui des Fontenelle, à peine quelqu'un voudrait-il se déranger pour faire une saulce d'asperge. La doctrine favorite de Deslandes est l'indifférence , la nonchalance voluptueuse,pour me servir de ses expressions. Son héros, en fait de mort, c'est Pétrone, lequel ; se voyant tombé dans la disgrâce de Néron, quitta, sans souci, ses voluptés choisies et se fit ouvrir les veines dans un bain. Mais les voluptés choisies, embrassées comme Punique fin de l'homme, peuvent former aussi bien des Néron que des Pétrone ; témoins Pétrone et Néron. Après Pétrone vient le philosophe Cardan, qui avait prédit sa mort, et se fit mourir à point nommé pour n'en avoir pas le démenti ; ce qui est assurément un bel emploi de la force d'âme. Ensuite défilent Démocrite et Atticus ; Atticus qui se suicida pour échapper aux langueurs d'une diarrhée chronique ; je n'ai rien à dire à cela ; et Démocrite qui se laissa mourir de faim parce qu'il était vieux, avec cette circonstance que sa sœur, son aimable sœur, l'ayant supplié de vivre jusqu'après les fêtes de Cérès, qu'elle désirait voir, il consentit à vider encore un pot de miel. Défilent encore le vieil Anacréon mourant, pour ainsi dire, à table ; Auguste, se faisant coiffer pour la dernière fois, et disant aux siens : « Trouvez-vous que je sois bon comédien? » Rabelais, à l'agonie, congédiant un page du cardinal du Bellay avec ces mots : « Tire le rideau, la farce est jouée ! » Malherbe, en pareille occasion, reprenant sa servante sur une faute de langage ; mademoiselle de Limeuil, fille d'honneur de Catherine de Médicis, expirant au son du violon de son valet Julien ; comme aussi la reine Elisabeth au son de sa musique ordinaire ; Anne de Boulen, prise d'un fou rire sur l'échafaud ; Saint-Evremont, voulant, à son heure suprême, se réconcilier... avec l'appétit ; la courtisane Laïs, au retour de l'âge, exhalant son dernier souffle dans les bras d'un amant ; le léger Grammont disant à sa femme, pendant que Dangeau l'exhortait de la part de Louis XIV : « Comtesse, si vous n'y prenez garde, Dangeau vous escamotera ma conversion ; » Gassendi, moribond, qui se targue, auprès de son ami, d'ignorer d'où il est sorti, pourquoi il a vécu, pourquoi il meurt ; Hobbes, ce Hobbes, qui craignait tant les fantômes, s'écriant, avant de s'éteindre, en désignant sa tombe : « Voici la pierre pbilosophale! puis: « Je vais faire un grand saut dans l'obscurité. » Toutes ces morts, au fond plus bizarres et plus vaniteuses qu'intrépides, ne suggèrent à Deslandes aucune pensée forte, haute, ni même utile à sa thèse en faveur de la nonchalance philosophique. Il ne tire aucun avantage (tant il est maladroit) de l'ironie sublime de Trajan : « Je sens que je deviens dieu ! » ni de la réponse de Patru à Bossuet, qui l'engageait à faire un discours chrétien avant de mourir : « Monseigneur, on ne parle, dans l'état où je suis, que par faiblesse ou par vanité » parole ferme qui, sans doute, a de la grandeur ; en revanche, il a l'air de s'extasier sur l'épitaphe que se fit Darius Ier : « J'ai pu beaucoup boire de vin et le bien porter !" et aussi sur ces vers de l'empereur Adrien faits in extremis, et traduits ainsi par Fontenelle : « Ma petite âme, ma mignonne, tu t'en vas donc, ma fille ( Dieu sache où tu vas ! tu pars seulette, nue et tremblotante. Hélas! que deviendra ton humeur folichonne? que deviendront tant de jolis ébats? » Des hommes qui ont marché d'un pas délibéré au supplice, il ne vante que ceux qui ont conservé de la belle humeur, et montré de la nonchalance jusqu'à la fin, comme Thomas Morus, dit-il, Etienne Dolet, Phocion, Socrate... Pour Phocion et Socrate, halte là! ils ne sont pas morts nonchalamment, ils sont morts divinement. L'auteur s'autorise encore de Montaigne pour établir que la mort n'est rien, et cite un passage des Essais sur les Morts entremeslées de gausseries, où figurent plusieurs gens du peuple qui sont allés au supplice en riant, sans voir qu'il plaide ici contre lui-même ; car, dès l'instant qu'un voleur qu'on pend peut s'écrier, au lancer de la corde : « Vogue la galère! » on n'admire plus si fort le tire le rideau, la farce est jouée de maître François, et l'on est obligé de convenir que le rire nonchalant, à la mort, peut bien n'être pas la marque d'une grande âme. Aussi Montaigne ne cherche-t-il pas, dans ces exemples, des morts courageuses et philosophiques, mais seulement des morts faciles : ce sont tout simplement des faits curieux qu'il constate, et où d'ailleurs il ne voit aucun sujet d'admiration ; autrement il serait forcé d'admirer la mort des bêtes plus que toute autre mort ; ce qu'il n'a garde de faire. Dans sa stérile et confuse énumération, Deslandes se fait assez juger sans qu'il ait besoin de couronner ses réflexions, comme il le fait, par cette audacieuse et révoltante proposition : « Les idées de vertu et de vice sont assez chimériques ; elles supposent autant de vanité que d'ignorance. » (Auguste François Louis Scipion de Grimoard-Beauvoir Du Roure de Beaumont-Brison (marquis) in Analectabiblion ou Extraits critiques de divers livres rares, oubliés ou peu connus, Tome II, Paris, Téchener, 1837, p. 430 et suiv.)

Les poésies diverses commencent dès la page 130 (jusqu'à la page 164). Viennent ensuite les Épitaphes et autres pièces plaisantes. Le volume se termine par quelques lettres et poésies de La Chapelle.

Deslandes, avec cette ouvrage notamment, et son histoire critique de la philosophie (1737), peut passer pour un des premiers auteur à avoir diffusé la pensée athéiste et matérialiste en France. On peut même avancer qu'il fut un précurseur de la libre-pensée :

"On peut au dedans de soi-même penser tout ce qu'on veut, et pourvu qu'on ajuste son extérieur à ce qui se pratique parmi les hommes avec lesquels on vit, les hommes n'ont rien de plus à nous demander : c'est tout ce qu'on leur doit." (Histoire critique de la philosophie, tome I, p. 355)

Références : J. Macary, "Masques et Lumières au XVIIIe", H. Lefebvre, "Diderot", p. 34 et O. Bloch, "Le matérialisme du XVIIIe s.", p. 227 sq.). L’ouvrage fut mis à l’index en 1758.

CHARMANT EXEMPLAIRE DANS SA JOLIE RELIURE EN VEAU DE L'ÉPOQUE DE CET OUVRAGE PRÉCOCE MATÉRIALISTE.
VENDU

Les Caractères de La Bruyère. Huitième édition originale très recherchée en belle condition de l'époque. Bel exemplaire.



Jean de LA BRUYÈRE

LES CARACTÈRES DE THÉOPHRASTE TRADUITS DU GREC, AVEC LES CARACTÈRES OU LES MŒURS DE CE SIÈCLE. Huitième édition. Revue, corrigée et augmentée.

A Paris, chez Estienne Michallet, 1694.

1 volume grand in-12 (170 x 102 mm - Hauteur des marges : 162 mm) de (32)-716-XLIV-(8) pages. Titre imprimé en rouge et noir.

Reliure plein veau brun, dos à nerfs orné, roulette au Dauphin couronné en queue, doublures et gardes de papier marbré, tranches mouchetées de rouge. Une coupe inférieure frottée avec manque de cuir sinon très bon état de la reliure. Intérieur très frais. Exemplaire grand de marges (162 mm).


HUITIÈME ÉDITION ORIGINALE.

Cette édition contient 1.120 caractères dont 46 nouveaux d'après Claudin, 42 d'après Servois, et 3 anciens caractères sont augmentés. Parmi les nouveaux : Cydias, Clitophon, Antagoras, Carro-Carri, etc. Les remarques nouvelles sont signalées ici par une main en marge. Sous la première on lit : Marque que l'on a exigé de moi pendant le cours de cette édition (p. 75). Il y a cependant des mains sur des feuillets non cartonnés.

Dans cette édition, La Bruyère a voulu donner une forme logique et suivie à son œuvre ; cette idée le conduisit à modifier l'ordre des caractères de façon à y introduire une suite insensible (p. 57 de la préface).

Deux corrections furent apportées en dehors des cartons, par modification des formes elles-mêmes au cours du tirage. A la page 129 le texte commence dans le premier tirage par : "Se mettre du rouge ou se farder est..." A la page 133 on doit trouver dans le premier tirage, lignes 20-21 : "qui n'en guériroient pas sans ce remède..." A la page 282 le carton de premier tirage contient ligne 6 : "ne fera-t'il pas manquer ?" Notre exemplaire est du second tirage et ne comporte donc pas ces remarques. C'est la première édition à donner le Discours de réception à l'Académie française, précédé d'une longue préface.

EXEMPLAIRE COMPORTANT LES REMARQUES DE SECOND TIRAGE.

Références : Tchémerzine-Scheler III, 806-808 ; Rochebilière, 336.

Notre exemplaire est relié avec la roulette au Dauphin couronné alterné avec une fleur de lis en queue du dos, cette roulette a souvent été donnée par erreur aux livres de la bibliothèque du grand Dauphin, fils ainé de Louis XIV. Il semblerait qu'il n'en est rien et qu'il s'agit en réalité d'un simple ornement à la mode du temps, assez régulièrement utilisé.

BEL EXEMPLAIRE, GRAND DE MARGES, EN JOLIE RELIURE DE L'ÉPOQUE DE CE CLASSIQUE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE.

VENDU

mercredi 4 août 2010

La correctionnelle de Gavarni avec 100 dessins lithographiés de l'artiste (1840). Jolie reliure de Noulhac (début XXe s.).



Sulpice-Paul Chevalier dit GAVARNI

LA CORRECTIONNELLE, PETITES CAUSES CÉLÈBRES, ÉTUDES DE MŒURS POPULAIRES AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE, accompagnées de cent dessins par GAVARNI.

Paris, Chez Martinon, 1840. [Imprimerie d'Amédée Gratiot].

1 volume in-4 (27,5 x 21,5 cm) de (4)-403 pages.

Reliure demi-maroquin noir à grain long à coins, filets dorés, dos lisse orné de fers rocaille romantiques, doublures et gardes de papier marbré (reliure du début du XXe siècle signée NOULHAC). Reliure et intérieur en excellent état. Exemplaire pratiquement sans rousseurs, sur papier légèrement teinté, non rogné. Très frais. Collationné complet des 100 livraisons avec gravure, des faux-titre et titre, et de la table à la fin. Les couvertures illustrées n'ont pas été conservées.


PREMIER TIRAGE DES CENT SPIRITUELLES LITHOGRAPHIES DE GAVARNI.

Ouvrage paru en livraisons (100). Chaque livraison est composée de trois pages entières de texte imprimées sur deux colonnes en petits caractères précédées d'un en-tête gravé sur bois signé par Gavarni (identique pour chaque livraison), avec une page entière lithographiée d'un grand dessin de Gavarni se rapportant au texte imprimé, avec légende.

Ce volume est assez difficile à trouver complet, en bon état, non piqué et d'un bon tirage. Notre exemplaire est de cette sorte. Les bibliographes (Vicaire, Brivois, Carteret, Barbier, ...) restent muets sur l'identité de l'auteur du texte de ce recueil.

NDLR : Le dessin de Gavarni a bien des fois au cours de ce recueil de ces façons d'Honoré Daumier. C'est sans doute le sujet qui veut cela.

Référence : Carteret III, 177-178 "Ouvrage rare, recherché pour les lithigraphies de Gavarni" ; Brivois, 112 : "Livre rare en bonne condition" ; Vicaire II, col. 1025

BEL EXEMPLAIRE FINEMENT RELIÉ PAR NOULHAC. RARE DANS CETTE CONDITION.

VENDU

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