SPANHEIM (par J. LENFANT)
HISTOIRE DE LA PAPESSE JEANNE, fidèlement tirée de la dissertation latine de M. de Spanheim, premier professeur en l'Université de Leyde. Nouvelle édition, augmentée & ornée de figures.
A La Haye, chez Scheurler, 1738.
2 volumes in-12 (17 x 10 cm) de (50)-331-(3) et (2)-328-(3) pages.
Reliure plein veau fauve moucheté glacé, dos à nerfs orné de fleurettes dorées, pièces de titre et tomaison de maroquin rouge, tranches jaspées bleues, doublures et gardes de papier marbré (reliure de l'époque). Reliures très bien conservées, très fraîches, infimes frottements et traces sans gravité, une petite fissure en pied d'un mors sans gravité, intérieur très frais. Bien complet des cinq gravures y compris celle qui est dépliante et qui manque souvent (accouchement en place publique de la papesse Jeanne).
NOUVELLE ÉDITION.
Il nous parait intéressant de rappeler ici les grandes lignes de cette extravagante histoire.
L'histoire de la papesse Jeanne est une de ces histoires curieuses que l'Église traine à sa suite depuis longtemps maintenant. La papesse Jeanne est une femme qui aurait usurpé la papauté catholique en cachant sa véritable identité sexuelle. Son pontificat est généralement placé entre 855 et 858, c'est-à-dire entre celui de Léon IV et Benoît III, au moment de l'usurpation d'Anastase le Bibliothécaire. Le personnage est considéré comme légendaire par les historiens. Vers 850, une jeune fille originaire de Mayence en Allemagne, nommée diversement Jeanne, Agnès, Marguerite ou Gilberte suivant les sources, quitte sa famille pour entreprendre des études, ou pour suivre son amant étudiant. Déguisée en homme, elle est connue sous le nom de Johannes Anglicus (Jean l'Anglais), ce qui dénote une origine anglaise. Elle étudie dans une université en Angleterre puis, après avoir obtenu son baccalauréat, part avec son compagnon étudier la science et la philosophie à Athènes. Après la mort de son amant, elle se rend à Rome où elle obtient un poste de lecteur des Écritures saintes avant d'entrer à la Curie. Selon certaines sources, elle est nommée cardinal. Tous s'accordent pour dire qu'elle est élue pape par acclamations, le peuple romain appréciant son érudition et sa piété. Deux ans plus tard, la papesse, séduite par un simple clerc ou par un cardinal plus clairvoyant que les autres, accouche en public : en célébrant la messe, ou à cheval, ou encore pendant la procession de la Fête-Dieu, entre la basilique Saint-Jean-de-Latran et la basilique Saint-Pierre. Selon le chroniqueur dominicain Jean de Mailly, elle est lapidée à mort par la foule ; selon Martin d'Opava, elle meurt en couches ; selon d'autres encore elle est simplement déposée. Il s'agit très probablement d'une légende, qui fut pourtant accréditée jusqu'au XVIe siècle par l'Église elle-même. Les chaises exhibées à l'appui, effectivement utilisées dans la cérémonie de couronnement des papes depuis la fin du XIe siècle, le sont au titre (douteux) de chaises curules, censées symboliser le caractère collégial de la Curie romaine. Aucune chronique contemporaine n'accrédite l'histoire et la liste des papes ne laisse aucun interstice dans lequel le pontificat de Jeanne pourrait s'insérer. En effet, entre la mort de Léon IV, le 17 juillet 855 et l'élection de Benoît III, entre lesquels Martin le Polonais place la papesse, il ne s'écoule que peu de temps, même si Benoît III n'est pas couronné avant le 29 septembre de la même année, du fait de l'antipape Anastase. Ces dates sont confirmées par des preuves solides, telles que des monnaies et des chartes. La chronique de Jean de Mailly suggère quant à elle un placement de Jeanne peu avant 1100. Or il ne s'écoule que quelques mois entre la mort de Victor III (16 septembre 1087) et l'élection d'Urbain II (12 mars 1088), et quelques jours seulement entre la mort de ce dernier (29 juillet 1099) et l'élection de Pascal II (13 août 1099). La légende comporte de nombreuses variantes mais beaucoup des détails mentionnés sont totalement anachroniques. Ainsi, Jeanne est censée étudier d'abord dans une université anglaise, alors que la plus ancienne, celle d'Oxford, date du XIIIe siècle. Le baccalauréat remonte également à la même époque. Athènes ne possède au IXe siècle aucune école susceptible de dispenser un enseignement de science et de philosophie et se trouve alors aux mains des « barbares ». La Fête-Dieu n'est instaurée qu'en 1264, sous Urbain IV. La légende s'est développée au cours du Moyen Âge. La première mention connue de la papesse se trouve dans la Chronica universalis de Jean de Mailly, dominicain du couvent de Metz, rédigée vers 1255. La légende se propage ensuite rapidement et sur une large étendue géographique, ce qui laisse supposer qu'elle existait déjà auparavant et que le dominicain se soit contenté de la consigner par écrit. Vers 1260, l'anecdote se retrouve chez Étienne de Bourbon, également dominicain et de la même province ecclésiastique que Jean de Mailly, dans son Traité des divers matériaux de la prédication. C'est surtout le récit qu'en fait le dominicain Martin le Polonais, chapelain de plusieurs papes, dans sa Chronique des pontifes romains et des empereurs, vers 1280, qui lui assure le succès. L'accueil que font les milieux pontificaux à l'anecdote s'explique par l'intérêt du cas juridique, et sans doute par une volonté d'imposer une interprétation officielle à l'événement. Boccace est le premier écrivain laïc à reprendre l'histoire de Jeanne dans Les Dames de renom (1353). Polémiques : En effet, la légende est rapidement reprise à des fins polémiques. Le franciscain Guillaume d'Ockham dénonce une intervention diabolique en la personne de Jeanne, qui préfigure celle de Jean XXII, adversaire des « spirituels » (dissidents franciscains). Lors du Grand Schisme d'Occident, l'histoire de Jeanne prouve, pour les deux partis, la nécessité légale d'une possibilité de déposition. Jan Hus la mentionne devant le concile de Constance pour remettre en cause le principe de la primauté romaine : pour lui, Jeanne a définitivement mis fin à la succession apostolique. Il est suivi sur ce point par Calvin, puis par Théodore de Bèze qui soutient cette thèse au colloque de Poissy. De son côté, Luther témoigne avoir vu en 1510 un monument en l'honneur de la papesse, la représentant en habits pontificaux, un enfant à la main ; il conclut à l'endurcissement irrémédiable d'une papauté qui ne prend même pas la peine de détruire un tel édifice. En Angleterre, le mouvement anti-papiste qui suit la création de l'Église anglicane produit un grand nombre de récits sur la papesse. À l'époque élisabéthaine, le mouvement culmine dans de fausses processions qui brûlent le pape en effigie : dans le même temps, sont publiés Un cadeau pour les papistes : vie et mort de la papesse Jeanne, où l'on prouve à partir d'ouvrages imprimés et de manuscrits d'écrivains papistes et d'autres, qu'une femme nommée Jeanne a bien été pape de Rome, où elle a accouché d'un bâtard en pleine rue, alors qu'elle prenait part à une procession solennelle, L'Histoire de la papesse Jeanne et des putains de Rome et surtout une tragédie, La Femme prélat : histoire de la vie et de la mort de la papesse Jeanne, d'Elkanah Settle, qui ajoute de nouvelles péripéties au récit médiéval. Réfutation : Les premières attaques protestantes poussent l'érudit Onofrio Panvinio, moine augustin, à rédiger en 1562 la première réfutation sérieuse de la légende dans sa Vitæ Pontificum (Vie des papes). Il est suivi par un juriste français, Florimond de Raemond, dans un ouvrage publié d'abord en 1587 de manière anonyme, Erreur populaire de la papesse Jeanne (également connu par la suite sous le titre L'Anti-Papesse), qui sera réédité quinze fois. Au XVIIe siècle, les luthériens se rallient à cette argumentation. Les explications de la légende sont diverses. Le mythe fut peut-être imaginé à partir du surnom de « Papesse Jeanne » donné de son vivant au pape Jean VIII pour sa faiblesse face à l'Église de Constantinople, ou bien du surnom de « papesse Jeanne » donné à la maîtresse autoritaire du pape Jean XI, Marozie. Enfin, le mythe renvoie aux inversions des valeurs rituelles, typiques des carnavals. Un autre ressort de la légende vient peut-être de la prescription judaïque du Lévitique (21:20), qui interdit le service de l'autel à un « homme aux testicules écrasées », c'est-à-dire un eunuque. L'idée qui en découle, de vérifier que seuls les hommes « entiers » accèdent à la prêtrise, a probablement été à l'origine de la vérification cérémonielle, sujet tentant pour une disputatio de quo libet estudiantine du Moyen Âge. La légende a séduit divers auteurs de fiction par son caractère romanesque, par exemple Emmanuel Roïdis dans La Papesse Jeanne, traduit en anglais par Lawrence Durrell et en français par Alfred Jarry, ou plus récemment La Papesse Jeanne de Yves Bichet. Suite de la légende : Selon la version actuelle de la légende, l’aventure contraindrait depuis l’Église à procéder à une vérification rituelle de la virilité des papes nouvellement élus. Un ecclésiastique serait censé examiner manuellement les organes génitaux, au travers d’une chaise percée. L’inspection terminée, il pourrait s’exclamer « Duos habet et bene pendentes » (« il en a deux, et bien pendantes »), ce à quoi le chœur des cardinaux répondrait : « Deo gratias » (« rendons grâce à Dieu »). Il serait arrivé qu’un candidat ait perdu un attribut. C’est alors que le vérificateur se serait exclamé : « Est unus » (« il y en a un »). Le répond aurait alors été : « sufficit » (« suffisant »). Les guerres, la capture par les pirates barbaresques auraient parfois dépouillé un candidat de ses attributs virils. Le cardinal vérificateur désolé aurait alors déclaré : « Est nullus » (« il y en a aucun ») et le répond aurait été : « Deus providebit » (« Dieu y pourvoira »). De plus, les processions pontificales, pour éviter de remuer des souvenirs douloureux, éviterait désormais de passer par la Basilique Saint-Clément-du-Latran, lieu de l’accouchement, dans leur trajet du Vatican au Latran ; cependant, une statue installée à l’endroit fatidique commémore l’incident. (Source Wikipedia)
Cette traduction est due à Jacques Lenfant. L'auteur essaye à travers plusieurs dizaines de témoignages de prouver l'existence de cette papesse déjà controversée à l'époque. La première édition de ce texte date de 1694. La première planche, repliée, dite de la "procession" fit scandale. Elle montre la Papesse à terre ayant accouché en public, le nouveau-né nu sur le pavé. Une autre, dite de la "chaise percée", représente l'élément de mobilier qui permettra, par la suite, de contrôler la masculinité du candidat au siège pontifical.
"Spanheim appuie son raisonnement sur le défilé des autorités, fait mourir Léon IV le 1er août 854, et place le pontificat de Jeanne dece même mois à celui de septembre 856, Benoît III étant élu dans la foulée. Cet ouvrage, le plus complet de ceux qui existaient jusqu'alors sur cet objet, forme prés de 600 pages ; il entasse prolixement les arguments qu'on peut opposer aux objections dirigées contre la papesse ; il énumère cent cinquante écrivains qui ont fait mention de la chose. Le libraire a ajouté à ses deux volumes plusieurs gravures,œuvre d'un burin batave qui n'est pas sans quelque mérite, mais qui donne aux personnages du neuvième siècle des costumes beaucoup trop modernes." (Extrait de La papesse Jeanne, En ligne : http://www.noosfere.org/icarus/articles/Fontana_papesse-jeanne.pdf [Consulté le 12/08/10] Dossier réalisé par Jean-Pierre Fontana – 7 avril 2010.
Référence : Caillet 10290. Dorbon 4631.
Provenance : Exemplaire de la bibliothèque Jules Bobin, avec sa signature manuscrite à chaque volume. Jules Bobin était libraire, c'était un grand bibliophile qui avait réuni une immense collection de livres anciens et de livres rares. Parmi ces livres nombreux étaient ceux concernant l'occultisme, la liturgie, les curiosités religieuses. C'était un ami très proche de Joris-Karl Huysmans. Exemplaire du cabinet du baron de Fleury, avec son ex libris armorié (XIXe s.). Il s'agit du baron Le Caron de Fleury, dont une partie de la riche bibliothèque formée dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Almanachs illustrés) fut vendue le 30 mai 1908.
BEL EXEMPLAIRE DANS DE FRAÎCHES RELIURES EN VEAU DE L'ÉPOQUE, DE CET OUVRAGE CURIEUX.
VENDU
HISTOIRE DE LA PAPESSE JEANNE, fidèlement tirée de la dissertation latine de M. de Spanheim, premier professeur en l'Université de Leyde. Nouvelle édition, augmentée & ornée de figures.
A La Haye, chez Scheurler, 1738.
2 volumes in-12 (17 x 10 cm) de (50)-331-(3) et (2)-328-(3) pages.
Reliure plein veau fauve moucheté glacé, dos à nerfs orné de fleurettes dorées, pièces de titre et tomaison de maroquin rouge, tranches jaspées bleues, doublures et gardes de papier marbré (reliure de l'époque). Reliures très bien conservées, très fraîches, infimes frottements et traces sans gravité, une petite fissure en pied d'un mors sans gravité, intérieur très frais. Bien complet des cinq gravures y compris celle qui est dépliante et qui manque souvent (accouchement en place publique de la papesse Jeanne).
NOUVELLE ÉDITION.
Il nous parait intéressant de rappeler ici les grandes lignes de cette extravagante histoire.
L'histoire de la papesse Jeanne est une de ces histoires curieuses que l'Église traine à sa suite depuis longtemps maintenant. La papesse Jeanne est une femme qui aurait usurpé la papauté catholique en cachant sa véritable identité sexuelle. Son pontificat est généralement placé entre 855 et 858, c'est-à-dire entre celui de Léon IV et Benoît III, au moment de l'usurpation d'Anastase le Bibliothécaire. Le personnage est considéré comme légendaire par les historiens. Vers 850, une jeune fille originaire de Mayence en Allemagne, nommée diversement Jeanne, Agnès, Marguerite ou Gilberte suivant les sources, quitte sa famille pour entreprendre des études, ou pour suivre son amant étudiant. Déguisée en homme, elle est connue sous le nom de Johannes Anglicus (Jean l'Anglais), ce qui dénote une origine anglaise. Elle étudie dans une université en Angleterre puis, après avoir obtenu son baccalauréat, part avec son compagnon étudier la science et la philosophie à Athènes. Après la mort de son amant, elle se rend à Rome où elle obtient un poste de lecteur des Écritures saintes avant d'entrer à la Curie. Selon certaines sources, elle est nommée cardinal. Tous s'accordent pour dire qu'elle est élue pape par acclamations, le peuple romain appréciant son érudition et sa piété. Deux ans plus tard, la papesse, séduite par un simple clerc ou par un cardinal plus clairvoyant que les autres, accouche en public : en célébrant la messe, ou à cheval, ou encore pendant la procession de la Fête-Dieu, entre la basilique Saint-Jean-de-Latran et la basilique Saint-Pierre. Selon le chroniqueur dominicain Jean de Mailly, elle est lapidée à mort par la foule ; selon Martin d'Opava, elle meurt en couches ; selon d'autres encore elle est simplement déposée. Il s'agit très probablement d'une légende, qui fut pourtant accréditée jusqu'au XVIe siècle par l'Église elle-même. Les chaises exhibées à l'appui, effectivement utilisées dans la cérémonie de couronnement des papes depuis la fin du XIe siècle, le sont au titre (douteux) de chaises curules, censées symboliser le caractère collégial de la Curie romaine. Aucune chronique contemporaine n'accrédite l'histoire et la liste des papes ne laisse aucun interstice dans lequel le pontificat de Jeanne pourrait s'insérer. En effet, entre la mort de Léon IV, le 17 juillet 855 et l'élection de Benoît III, entre lesquels Martin le Polonais place la papesse, il ne s'écoule que peu de temps, même si Benoît III n'est pas couronné avant le 29 septembre de la même année, du fait de l'antipape Anastase. Ces dates sont confirmées par des preuves solides, telles que des monnaies et des chartes. La chronique de Jean de Mailly suggère quant à elle un placement de Jeanne peu avant 1100. Or il ne s'écoule que quelques mois entre la mort de Victor III (16 septembre 1087) et l'élection d'Urbain II (12 mars 1088), et quelques jours seulement entre la mort de ce dernier (29 juillet 1099) et l'élection de Pascal II (13 août 1099). La légende comporte de nombreuses variantes mais beaucoup des détails mentionnés sont totalement anachroniques. Ainsi, Jeanne est censée étudier d'abord dans une université anglaise, alors que la plus ancienne, celle d'Oxford, date du XIIIe siècle. Le baccalauréat remonte également à la même époque. Athènes ne possède au IXe siècle aucune école susceptible de dispenser un enseignement de science et de philosophie et se trouve alors aux mains des « barbares ». La Fête-Dieu n'est instaurée qu'en 1264, sous Urbain IV. La légende s'est développée au cours du Moyen Âge. La première mention connue de la papesse se trouve dans la Chronica universalis de Jean de Mailly, dominicain du couvent de Metz, rédigée vers 1255. La légende se propage ensuite rapidement et sur une large étendue géographique, ce qui laisse supposer qu'elle existait déjà auparavant et que le dominicain se soit contenté de la consigner par écrit. Vers 1260, l'anecdote se retrouve chez Étienne de Bourbon, également dominicain et de la même province ecclésiastique que Jean de Mailly, dans son Traité des divers matériaux de la prédication. C'est surtout le récit qu'en fait le dominicain Martin le Polonais, chapelain de plusieurs papes, dans sa Chronique des pontifes romains et des empereurs, vers 1280, qui lui assure le succès. L'accueil que font les milieux pontificaux à l'anecdote s'explique par l'intérêt du cas juridique, et sans doute par une volonté d'imposer une interprétation officielle à l'événement. Boccace est le premier écrivain laïc à reprendre l'histoire de Jeanne dans Les Dames de renom (1353). Polémiques : En effet, la légende est rapidement reprise à des fins polémiques. Le franciscain Guillaume d'Ockham dénonce une intervention diabolique en la personne de Jeanne, qui préfigure celle de Jean XXII, adversaire des « spirituels » (dissidents franciscains). Lors du Grand Schisme d'Occident, l'histoire de Jeanne prouve, pour les deux partis, la nécessité légale d'une possibilité de déposition. Jan Hus la mentionne devant le concile de Constance pour remettre en cause le principe de la primauté romaine : pour lui, Jeanne a définitivement mis fin à la succession apostolique. Il est suivi sur ce point par Calvin, puis par Théodore de Bèze qui soutient cette thèse au colloque de Poissy. De son côté, Luther témoigne avoir vu en 1510 un monument en l'honneur de la papesse, la représentant en habits pontificaux, un enfant à la main ; il conclut à l'endurcissement irrémédiable d'une papauté qui ne prend même pas la peine de détruire un tel édifice. En Angleterre, le mouvement anti-papiste qui suit la création de l'Église anglicane produit un grand nombre de récits sur la papesse. À l'époque élisabéthaine, le mouvement culmine dans de fausses processions qui brûlent le pape en effigie : dans le même temps, sont publiés Un cadeau pour les papistes : vie et mort de la papesse Jeanne, où l'on prouve à partir d'ouvrages imprimés et de manuscrits d'écrivains papistes et d'autres, qu'une femme nommée Jeanne a bien été pape de Rome, où elle a accouché d'un bâtard en pleine rue, alors qu'elle prenait part à une procession solennelle, L'Histoire de la papesse Jeanne et des putains de Rome et surtout une tragédie, La Femme prélat : histoire de la vie et de la mort de la papesse Jeanne, d'Elkanah Settle, qui ajoute de nouvelles péripéties au récit médiéval. Réfutation : Les premières attaques protestantes poussent l'érudit Onofrio Panvinio, moine augustin, à rédiger en 1562 la première réfutation sérieuse de la légende dans sa Vitæ Pontificum (Vie des papes). Il est suivi par un juriste français, Florimond de Raemond, dans un ouvrage publié d'abord en 1587 de manière anonyme, Erreur populaire de la papesse Jeanne (également connu par la suite sous le titre L'Anti-Papesse), qui sera réédité quinze fois. Au XVIIe siècle, les luthériens se rallient à cette argumentation. Les explications de la légende sont diverses. Le mythe fut peut-être imaginé à partir du surnom de « Papesse Jeanne » donné de son vivant au pape Jean VIII pour sa faiblesse face à l'Église de Constantinople, ou bien du surnom de « papesse Jeanne » donné à la maîtresse autoritaire du pape Jean XI, Marozie. Enfin, le mythe renvoie aux inversions des valeurs rituelles, typiques des carnavals. Un autre ressort de la légende vient peut-être de la prescription judaïque du Lévitique (21:20), qui interdit le service de l'autel à un « homme aux testicules écrasées », c'est-à-dire un eunuque. L'idée qui en découle, de vérifier que seuls les hommes « entiers » accèdent à la prêtrise, a probablement été à l'origine de la vérification cérémonielle, sujet tentant pour une disputatio de quo libet estudiantine du Moyen Âge. La légende a séduit divers auteurs de fiction par son caractère romanesque, par exemple Emmanuel Roïdis dans La Papesse Jeanne, traduit en anglais par Lawrence Durrell et en français par Alfred Jarry, ou plus récemment La Papesse Jeanne de Yves Bichet. Suite de la légende : Selon la version actuelle de la légende, l’aventure contraindrait depuis l’Église à procéder à une vérification rituelle de la virilité des papes nouvellement élus. Un ecclésiastique serait censé examiner manuellement les organes génitaux, au travers d’une chaise percée. L’inspection terminée, il pourrait s’exclamer « Duos habet et bene pendentes » (« il en a deux, et bien pendantes »), ce à quoi le chœur des cardinaux répondrait : « Deo gratias » (« rendons grâce à Dieu »). Il serait arrivé qu’un candidat ait perdu un attribut. C’est alors que le vérificateur se serait exclamé : « Est unus » (« il y en a un »). Le répond aurait alors été : « sufficit » (« suffisant »). Les guerres, la capture par les pirates barbaresques auraient parfois dépouillé un candidat de ses attributs virils. Le cardinal vérificateur désolé aurait alors déclaré : « Est nullus » (« il y en a aucun ») et le répond aurait été : « Deus providebit » (« Dieu y pourvoira »). De plus, les processions pontificales, pour éviter de remuer des souvenirs douloureux, éviterait désormais de passer par la Basilique Saint-Clément-du-Latran, lieu de l’accouchement, dans leur trajet du Vatican au Latran ; cependant, une statue installée à l’endroit fatidique commémore l’incident. (Source Wikipedia)
Cette traduction est due à Jacques Lenfant. L'auteur essaye à travers plusieurs dizaines de témoignages de prouver l'existence de cette papesse déjà controversée à l'époque. La première édition de ce texte date de 1694. La première planche, repliée, dite de la "procession" fit scandale. Elle montre la Papesse à terre ayant accouché en public, le nouveau-né nu sur le pavé. Une autre, dite de la "chaise percée", représente l'élément de mobilier qui permettra, par la suite, de contrôler la masculinité du candidat au siège pontifical.
"Spanheim appuie son raisonnement sur le défilé des autorités, fait mourir Léon IV le 1er août 854, et place le pontificat de Jeanne dece même mois à celui de septembre 856, Benoît III étant élu dans la foulée. Cet ouvrage, le plus complet de ceux qui existaient jusqu'alors sur cet objet, forme prés de 600 pages ; il entasse prolixement les arguments qu'on peut opposer aux objections dirigées contre la papesse ; il énumère cent cinquante écrivains qui ont fait mention de la chose. Le libraire a ajouté à ses deux volumes plusieurs gravures,œuvre d'un burin batave qui n'est pas sans quelque mérite, mais qui donne aux personnages du neuvième siècle des costumes beaucoup trop modernes." (Extrait de La papesse Jeanne, En ligne : http://www.noosfere.org/icarus/articles/Fontana_papesse-jeanne.pdf [Consulté le 12/08/10] Dossier réalisé par Jean-Pierre Fontana – 7 avril 2010.
Référence : Caillet 10290. Dorbon 4631.
Provenance : Exemplaire de la bibliothèque Jules Bobin, avec sa signature manuscrite à chaque volume. Jules Bobin était libraire, c'était un grand bibliophile qui avait réuni une immense collection de livres anciens et de livres rares. Parmi ces livres nombreux étaient ceux concernant l'occultisme, la liturgie, les curiosités religieuses. C'était un ami très proche de Joris-Karl Huysmans. Exemplaire du cabinet du baron de Fleury, avec son ex libris armorié (XIXe s.). Il s'agit du baron Le Caron de Fleury, dont une partie de la riche bibliothèque formée dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Almanachs illustrés) fut vendue le 30 mai 1908.
BEL EXEMPLAIRE DANS DE FRAÎCHES RELIURES EN VEAU DE L'ÉPOQUE, DE CET OUVRAGE CURIEUX.
VENDU