HENRY MURGER
LES BUVEURS D'EAU par Henry Murger.
Paris, Michel Lévy frères, libraires-éditeurs, 1855. (Corbeil, typographie de Crété).
1 volume in-18 anglais (18,7 x 12,7 cm) de (2)-VIII-354 pages.
Reliure de maroquin olive doublé de maroquin rouge sang, dos à nerfs janséniste avec auteur, titre et millésime dorés, double-filet doré sur les coupes, doublure sertie d'un triple-filet doré en encadrement et d'un décor de quatre grands fers dorés en écoinçons reliés ensemble par un filet doré gras, première garde volante de soie tissée pistache, gardes de papier peigne, tête dorée polie et autres tranches dorées sur brochure, les deux couvertures vertes ainsi que le dos original du brochage ont été reliés à la fin et sont parfaitement conservés (A. Cuzin).
Dos uniformément passé, la couleur ayant viré au brun clair, pourtour des plats et encadrement intérieur des plats également viré au brun clair. Intérieur en parfait état, d'une fraîcheur exceptionnelle.
ÉDITION ORIGINALE FRANÇAISE SUR VÉLIN TEINTE SATINÉ.
Cet ouvrage avait paru précédemment à Bruxelles chez Lebègue en 1854 au format petit in-12. Cette édition de Paris, Michel Lévy est considérée comme la véritable édition originale.
Bien que Clouzot ne signale aucun grand papier pour cette édition, notre exemplaire est imprimé sur un beau papier vélin teinté satiné, absolument sans rousseurs, totalement différent des papiers ordinaires qu'on peut rencontrer pour le tirage courant des ouvrages édités par Michel Lévy et sortis de l'imprimerie de Crété.
Cet ouvrage, d'un très grand mérite littéraire, totalement éclipsé ou presque par le succès de l'auteur "Scènes de la vie de Bohême", paru en 1851, roule sur le même thème. Murger, fils d'un concierge-tailleur, né dans la loge de concierge de son père en 1822, il mourut en 1861, âgé d'à peine 40 ans. Murger usa sa courte vie dans les cafés et autres estaminets de la capitale. C'était le peintre de la Bohème, de ses artistes misérables et miséreux, par les mots. Théodore de Banville, Nadar, et bien d'autres étaient de ses amis.
Qui étaient les "buveurs d'eau" ?
"(...) Il était interdit aux Buveurs d'eau de faire partie d'aucune société secrète, et les réunions mensuelles excluaient d'une façon absolue toute discussion politique. (...) Pour les besoins de la vie matérielle, nous devenions, en effet, tous solidaires les uns des autres; et, en vérité, cette loi n'aurait pas eu besoin d'être formulée, elle avait été pratiquée depuis longtemps quand la société fut fondée. (...) La cotisation pour la caisse commune était assez faible pour que chaque membre pût, dans l'espace d'un mois, s'en procurer le montant, et si, dans les repas qui précédaient ou suivaient nos réunions, l'eau devait figurer comme unique boisson, c'est qu'il fallait que l'écot en fût assez modique pour que chacun put en payer sa part. (...) En outre, nous ne voulions pas qu'un projet, au moins sérieusement conçu, devînt un prétexte à banguets. Beaucoup d'associations plus ambitieuses ont fini par là. (...) Bien loin d'imposer à ses membres une patience stoï- que, le parti pris de l'isolement et le mépris du succès, la société des Buveurs d'eau avait été créée, au contraire, pour mettre en commun non-seulement l'étude et l'expérience, mais encore l'activité et les relations de tous ses membres. Se produire et faire aux autres un marchepied d'un succès, tel était le devoir de chacun ; grandir et arriver les uns par les autres, tel était le but principal. On comprend alors que nous avions dû nous choisir et procéder dans ce triage le plus souvent par exclusion ; on comprend aussi que, par conséquent, cette « perpétuelle admiration de notre talent et de « nos œuvres » devait être et pouvait être le résultat d'une conviction sincère. Nous réprouvions sans doute le mercantilisme, mais comme but seulement et non comme moyen de vivre: Noël donnait des leçons de dessin ; Murger était secrétaire de M. Tolstoï et brochait des petits contes d'enfant pour l'Age d'or; je sténographiais des séances de justice de paix pour un journal judiciaire; Christ et Cabot dessinaient des ornements pour un marbrier ; Gothique peignait des enseignes de sages-femmes, etc. Il était non-seulement permis, mais encore recommandé à chaque Buveur d'eau de faire descendre son art jusqu'à la production du pain de quatre livres. Chacun de nous, du reste, vivait à sa guise et n'était même tenu de boire de l'eau qu'une fois par mois. Mais chaque membre de l'association devait, à la fin de l'année, justifier d'une tentative sérieuse, soumettre à l'association une œuvre d'étude et de conscience. Enfin, ces pauvres Buveurs d'eau qu'on a déguisés depuis en conspirateurs permanents, en fanatiques à tous crins s'épuisant en imprécations contre les gouvernements, les sociétés et les génies classiques, avaient eu dès lors assez de bon sens et de conscience pour comprendre qu'un système commun d'opinions politiques, d'utopie sociale, d'école littéraire ou artistique, était plutôt un péril qu'une force ; et ce respect des aspirations individuelles fut si religieusement observé qu'il fut en germe une des causes de la dissolution de la société. Il était difficile, en effet, surtout à, des esprits jeunes et ardents, d'établir une' délimitation bien tranchée entre la forme de l'œuvre et sa tendance. Comment admirer sans réserve, et surtout comment louer sans restriction le poëme, le roman, le tableau, la statue, glorification ou symbole d'une idée qu'on ne partageait pas? Ce fut le sujet d'une discussion orageuse, une difficulté qui, toujours imparfaitement résolue, reparaissait toujours menaçante. Mais il faut le dire : la société des Buveurs d'eau ne fut dissoute que pour la forme, et quand nous la brisâmes, ce fut encore par respect pour le sentiment pur et profond qui l'avait inspirée; nous ne voulûmes pas la laisser s'éteindre dans un méprisant abandon. (...)"
Telle était cette "société" de bohème des buveurs d'eau.
Cet ouvrage connaîtra tout de même un succès à sa sortie et même plus tard puisqu'on dénombre plusieurs rééditions en 1857, 1862, 1875, 1876, 1878, 1886 et même jusqu'en 1890. Il semblerait qu'aucun exemplaire de cette édition de 1855 ne soit référencé au Catalogue collectif des bibliothèques de France (CCfr). La Bibliothèque Nationale de France (BNF) ne possède pas cette première édition française.
Provenance : ce volume est resté vierge de toute provenance attestée par un ex libris ou une mention manuscrite.
Reliure : Adolphe Cuzin est le fils du grand relieur d'art parisien Francisque Cuzin qui exerça de 1861 à sa mort en 1890. Adolphe Cuzin assura la direction de l'atelier pendant deux ans seulement. C'est Mercier qui reprit l'atelier en 1892. Après avoir travaillé dans quelques ateliers de confrères, il ouvrit, en 1900, un atelier de reliure passage Dauphine (...) puis un beau jour il quitta Paris. Il y revint cependant et nous le retrouvons, dans les années 1920, professeur à l'Ecole centrale des Arts Décoratifs, dorant les livres des élèves. On perd sa trace aux abords de la guerre de 1939. (Cf. Fléty, Dictionnaire des relieurs français..., pp. 50-51). Il semble qu'Adolphe Cuzin était surtout réputé pour la qualité de ses dorures.
Références : Clouzot, Guide du bibliophile français, 214. Histoire de Murger pour servir à l'histoire de la vraie Bohème, par trois buveurs d'eau, contenant des correspondances privées de Murger. Paris, Hetzel, s.d. (1862).
ÉDITION RARE.
TRÈS BEL EXEMPLAIRE, PARFAITEMENT ÉTABLI PAR ADOLPHE CUZIN AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE.
JOLI TIRAGE SUR BEAU PAPIER VÉLIN TEINTÉ.
VENDU
LES BUVEURS D'EAU par Henry Murger.
Paris, Michel Lévy frères, libraires-éditeurs, 1855. (Corbeil, typographie de Crété).
1 volume in-18 anglais (18,7 x 12,7 cm) de (2)-VIII-354 pages.
Reliure de maroquin olive doublé de maroquin rouge sang, dos à nerfs janséniste avec auteur, titre et millésime dorés, double-filet doré sur les coupes, doublure sertie d'un triple-filet doré en encadrement et d'un décor de quatre grands fers dorés en écoinçons reliés ensemble par un filet doré gras, première garde volante de soie tissée pistache, gardes de papier peigne, tête dorée polie et autres tranches dorées sur brochure, les deux couvertures vertes ainsi que le dos original du brochage ont été reliés à la fin et sont parfaitement conservés (A. Cuzin).
Dos uniformément passé, la couleur ayant viré au brun clair, pourtour des plats et encadrement intérieur des plats également viré au brun clair. Intérieur en parfait état, d'une fraîcheur exceptionnelle.
ÉDITION ORIGINALE FRANÇAISE SUR VÉLIN TEINTE SATINÉ.
Cet ouvrage avait paru précédemment à Bruxelles chez Lebègue en 1854 au format petit in-12. Cette édition de Paris, Michel Lévy est considérée comme la véritable édition originale.
Bien que Clouzot ne signale aucun grand papier pour cette édition, notre exemplaire est imprimé sur un beau papier vélin teinté satiné, absolument sans rousseurs, totalement différent des papiers ordinaires qu'on peut rencontrer pour le tirage courant des ouvrages édités par Michel Lévy et sortis de l'imprimerie de Crété.
Cet ouvrage, d'un très grand mérite littéraire, totalement éclipsé ou presque par le succès de l'auteur "Scènes de la vie de Bohême", paru en 1851, roule sur le même thème. Murger, fils d'un concierge-tailleur, né dans la loge de concierge de son père en 1822, il mourut en 1861, âgé d'à peine 40 ans. Murger usa sa courte vie dans les cafés et autres estaminets de la capitale. C'était le peintre de la Bohème, de ses artistes misérables et miséreux, par les mots. Théodore de Banville, Nadar, et bien d'autres étaient de ses amis.
Qui étaient les "buveurs d'eau" ?
"(...) Il était interdit aux Buveurs d'eau de faire partie d'aucune société secrète, et les réunions mensuelles excluaient d'une façon absolue toute discussion politique. (...) Pour les besoins de la vie matérielle, nous devenions, en effet, tous solidaires les uns des autres; et, en vérité, cette loi n'aurait pas eu besoin d'être formulée, elle avait été pratiquée depuis longtemps quand la société fut fondée. (...) La cotisation pour la caisse commune était assez faible pour que chaque membre pût, dans l'espace d'un mois, s'en procurer le montant, et si, dans les repas qui précédaient ou suivaient nos réunions, l'eau devait figurer comme unique boisson, c'est qu'il fallait que l'écot en fût assez modique pour que chacun put en payer sa part. (...) En outre, nous ne voulions pas qu'un projet, au moins sérieusement conçu, devînt un prétexte à banguets. Beaucoup d'associations plus ambitieuses ont fini par là. (...) Bien loin d'imposer à ses membres une patience stoï- que, le parti pris de l'isolement et le mépris du succès, la société des Buveurs d'eau avait été créée, au contraire, pour mettre en commun non-seulement l'étude et l'expérience, mais encore l'activité et les relations de tous ses membres. Se produire et faire aux autres un marchepied d'un succès, tel était le devoir de chacun ; grandir et arriver les uns par les autres, tel était le but principal. On comprend alors que nous avions dû nous choisir et procéder dans ce triage le plus souvent par exclusion ; on comprend aussi que, par conséquent, cette « perpétuelle admiration de notre talent et de « nos œuvres » devait être et pouvait être le résultat d'une conviction sincère. Nous réprouvions sans doute le mercantilisme, mais comme but seulement et non comme moyen de vivre: Noël donnait des leçons de dessin ; Murger était secrétaire de M. Tolstoï et brochait des petits contes d'enfant pour l'Age d'or; je sténographiais des séances de justice de paix pour un journal judiciaire; Christ et Cabot dessinaient des ornements pour un marbrier ; Gothique peignait des enseignes de sages-femmes, etc. Il était non-seulement permis, mais encore recommandé à chaque Buveur d'eau de faire descendre son art jusqu'à la production du pain de quatre livres. Chacun de nous, du reste, vivait à sa guise et n'était même tenu de boire de l'eau qu'une fois par mois. Mais chaque membre de l'association devait, à la fin de l'année, justifier d'une tentative sérieuse, soumettre à l'association une œuvre d'étude et de conscience. Enfin, ces pauvres Buveurs d'eau qu'on a déguisés depuis en conspirateurs permanents, en fanatiques à tous crins s'épuisant en imprécations contre les gouvernements, les sociétés et les génies classiques, avaient eu dès lors assez de bon sens et de conscience pour comprendre qu'un système commun d'opinions politiques, d'utopie sociale, d'école littéraire ou artistique, était plutôt un péril qu'une force ; et ce respect des aspirations individuelles fut si religieusement observé qu'il fut en germe une des causes de la dissolution de la société. Il était difficile, en effet, surtout à, des esprits jeunes et ardents, d'établir une' délimitation bien tranchée entre la forme de l'œuvre et sa tendance. Comment admirer sans réserve, et surtout comment louer sans restriction le poëme, le roman, le tableau, la statue, glorification ou symbole d'une idée qu'on ne partageait pas? Ce fut le sujet d'une discussion orageuse, une difficulté qui, toujours imparfaitement résolue, reparaissait toujours menaçante. Mais il faut le dire : la société des Buveurs d'eau ne fut dissoute que pour la forme, et quand nous la brisâmes, ce fut encore par respect pour le sentiment pur et profond qui l'avait inspirée; nous ne voulûmes pas la laisser s'éteindre dans un méprisant abandon. (...)"
(extrait de l'Histoire de Murger pour servir à l'histoire de la vraie Bohème, par trois buveurs d'eau, contenant des correspondances privées de Murger. Paris, Hetzel, s.d.(1862).
Telle était cette "société" de bohème des buveurs d'eau.
Cet ouvrage connaîtra tout de même un succès à sa sortie et même plus tard puisqu'on dénombre plusieurs rééditions en 1857, 1862, 1875, 1876, 1878, 1886 et même jusqu'en 1890. Il semblerait qu'aucun exemplaire de cette édition de 1855 ne soit référencé au Catalogue collectif des bibliothèques de France (CCfr). La Bibliothèque Nationale de France (BNF) ne possède pas cette première édition française.
Provenance : ce volume est resté vierge de toute provenance attestée par un ex libris ou une mention manuscrite.
Reliure : Adolphe Cuzin est le fils du grand relieur d'art parisien Francisque Cuzin qui exerça de 1861 à sa mort en 1890. Adolphe Cuzin assura la direction de l'atelier pendant deux ans seulement. C'est Mercier qui reprit l'atelier en 1892. Après avoir travaillé dans quelques ateliers de confrères, il ouvrit, en 1900, un atelier de reliure passage Dauphine (...) puis un beau jour il quitta Paris. Il y revint cependant et nous le retrouvons, dans les années 1920, professeur à l'Ecole centrale des Arts Décoratifs, dorant les livres des élèves. On perd sa trace aux abords de la guerre de 1939. (Cf. Fléty, Dictionnaire des relieurs français..., pp. 50-51). Il semble qu'Adolphe Cuzin était surtout réputé pour la qualité de ses dorures.
Références : Clouzot, Guide du bibliophile français, 214. Histoire de Murger pour servir à l'histoire de la vraie Bohème, par trois buveurs d'eau, contenant des correspondances privées de Murger. Paris, Hetzel, s.d. (1862).
ÉDITION RARE.
TRÈS BEL EXEMPLAIRE, PARFAITEMENT ÉTABLI PAR ADOLPHE CUZIN AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE.
JOLI TIRAGE SUR BEAU PAPIER VÉLIN TEINTÉ.
VENDU