mardi 26 septembre 2023

Mémoires de Suzon, soeur de D... B... (Dom Bougre) portier des Chartreux, écrits par elle-même (1793). Très rare édition révolutionnaire parue en pleine Terreur de ce curiosa rare dans toutes ses éditions anciennes. Superbe exemplaire en belle reliure décorée de l'époque, ce qui en fait une rareté bibliophilique avérée.


[Anonyme]

Mémoires de Suzon, soeur de D... B......, portier des chartreux, écrits par elle-même.

A Londres, L'an second de la République Française, 1793

Suivi de :

Mémoires de Suzon, soeur de D... B......, portier des chartreux, écrits par elle-même ; où l'on a joint la Perle des Plans économiques ou la Chimère raisonnable. Tome second.

A Londres, L'an second de la République Française, 1793

2 tomes reliés en 2 volumes in-24 (10,5 x 6,8 cm) de 112 et 111 pages.

Reliure de l'époque pleine basane racinée, dos lisse orné aux petits fers dorés, filets dorés, roulette dorée sur les coupes, doublures et gardes de papier marbré (reliure vers 1800-1810). Très bel état de conservation. Exemplaire court de marges (sans atteinte au texte). Intérieur frais. Les pages de titre sont dans un encadrement composé de fers typographiques.

Nouvelle édition.

Ce texte érotique très libre a paru pour la première fois sous la date de 1778. Cette première édition est au format in-12 en 167 pages. Le Plan économique ou la Chimère raisonnable y est déjà présent. Il existe une édition de 1782 en 280 pages (in-12) ornée de 12 gravures obscènes dont une en frontispice (texte encadré). On retrouve cette suite de gravures dans l'édition portant la date de 1783 (en 264 pages). Une édition parait sous l'adresse : A j'enconne, rue des Déchargeurs (sans date, i.e. vers 1785) avec 13 gravures encadrées dont une en frontispice. Vient ensuite notre édition portant la date de 1793, qui serait donc la cinquième édition et la dernière publiée au XVIIIe siècle. Une nouvelle édition de 1830 est ornée de 8 lithographies obscènes mais ne contient plus la Perle des Plans économiques ou la Chimère raisonnable. Dutel signale encore plusieurs éditions au cours du XIXe siècle donnant une idée du succès de ce texte érotique anonyme.













On ne sait pas qui a écrit ce texte qui se veut un complément au Portier des Chartreux ou Dom Bougre de Jean-Charles Gervaise de Latouche (1715-1782). On ne sait pas plus qui a écrit ce petit texte très spirituel intitulé La Perle des Plans économiques ou la Chimère raisonnable paru pour la première fois en 1778 et traitant d'un plan pour gérer sagement et économiquement la prostitution. Il est intéressant de constater que le premier à avoir donné un Plan pour régler la prostitution est Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne en 1769 avec son célèbre Pornographe. Il semblerait que neuf ans plus tard (1778), un autre auteur se soit penché sur le même problème avec des similitudes dans le traitement du sujet. 

"Dans sa première édition connue, paraît, en 1778, un roman anonyme, intitulé Mémoires de Suzon, sœur de D… B…, portier des Chartreux, écrits par elle‑même, où l’on a joint La Perle des plans économiques ou la Chimère raisonnable. Par son titre et son héroïne, membre de la fratrie de l’une des figures les plus illustres du genre, il exhibe sa filiation à la littérature libertine. Le récit se conforme aux codes des ouvrages licencieux en vogue au XVIIIe siècle. L’auteur y donne la parole à un personnage féminin, lequel relate son initiation sensuelle. Dans la lignée de son frère et de tant d’autres, Suzon jouit pleinement du libertinage avant d’être frappée par la vérole et de regretter sa jeunesse dissolue. Typique des ouvrages érotiques des Lumières, ce parcours libertin est suivi d’une annexe théorique originale et unique en son genre. Pour être souvent diserts, en particulier sur la question du calcul moral, les ouvrages libertins n’ont pas pour habitude de faire du libertinage comme pratique individuelle un principe économique bénéfique à l’État dans son ensemble. Les questions politiques en général y sont rarement abordées. Ostensiblement engagée, la deuxième partie des Mémoires de Suzon se démarque par sa prise de conscience et sa volonté réformatrice. Ce qui est présenté comme « La perle des plans économiques » propose, sur le modèle de projets de règlements existants, des mesures sanitaires, économiques et sociales à même d’enrayer l’épidémie de vérole qui sévit dans la capitale tout en renflouant les caisses de l’État. À l’heure où une application aléatoire de la jurisprudence laisse tout pouvoir à une police des mœurs débordée par la recrudescence des foyers de prostitution et d’infection et où le trésor royal frise la banqueroute, la réforme devient urgente. Plutôt que de les enfermer à l’Hôpital Général ou à Bicêtre, le code de Suzon préconise d’enrôler les filles en bonne santé au service de l’État. Comme le sous‑entend une étymologie commune, l’économie de « la grande maison » royale aurait tout intérêt à tirer profit de « petites maisons » qu’elle administrerait et taxerait. De premier boulanger de France, le roi deviendrait ainsi son premier proxénète et c’est toute la nation qui pourrait jouir de ces nouvelles institutions publiques. Peut‑on prendre au sérieux un projet économique qui s’autoproclame « chimère raisonnable » ? Il braille davantage qu’il ne détaille un plan qui, fort heureusement pour le lecteur, dit‑il, se veut plus divertissant que les discours économiques contemporains. Pourtant, derrière l’humour gras d’une farce libertine à peine dissimulée, les multiples volets hygiénistes, moraux, politiques et financiers convoqués font écho aux préoccupations d’un XVIIIe siècle secoué par le plaisir. La gravité de la situation perce sous une satire qui témoigne, à tout le moins, de l’invasion des considérations économiques à cette période, y compris dans la littérature érotique. [...] " (in Élise Sultan‑Villet, « Faut‑il taxer les minois ? Un plan économique pour les petites maisons dans les Mémoires de Suzon, sœur de Dom Bougre, portier des Chartreux », dans Fabula-LhT, n° 28, « Inventer l'économie », dir. Claire Pignol et Christophe Reffait, October 2022).


















Notre édition de 1793, parue en pleine Terreur révolutionnaire, ne contient pas la Préface aux Mémoires de Suzon qu'on trouve dans l'édition de 1778 notamment. Le texte pornographique arrive donc directement aux yeux du lecteur, sans aucune présentation qui pourrait adoucir la chose (qui a sans doute possible été l'effet voulu par l'éditeur de 1793).

Les Mémoires de Suzon est très bien écrit même s'il entre dans la catégorie de ces livres libertins qu'on ne lit que d'une main. En voici pour preuves quelques passages choisis : "[...] Ce godemiché qui ſervoit de monture à l’Amour, ſeroit à la vérité bien plus propre à faire goûter à une fille les joies du Paradis ; car les doigts d’une femme n’auront jamais cette groſſeur, cette longueur, & ſur-tout cette roideur que j’avois tant admirée. Si dans mon ſonge il m’avoit fait goûter tant de plaiſir, comment pourroit-on exprimer celui qu’il feroit en réalité ? Comme ces inſtruments, qui repréſentent ſi au naturel, le vit d’un homme, ſont très-rares, en ce qu’ils ſe font dans les couvens, ſources de toutes les inventions qui tendent à ſe procurer les plaiſirs de la chair, je conçois que toutes les filles ne peuvent être pourvues de ce meuble utile. Mais dans ce cas, elles ont leur dix doigts. Si un ſeul doigt ne remplit pas aſſez la mortaiſe, elles n’ont qu’à faire comme moi. J’en ai employé deux à la fois, & ſouvent trois, ſur-tout lorſque je ſens que le plaiſir commence à s’émouſſer. Cependant, pour dire la vérité, tous ces différens moyens appaiſent plutôt les deſirs qu’ils ne les ſatisfont. C’eſt un incendie dont on arrête les progrès ; mais qu’on n’éteint pas entiérement. [...] Un jour cependant que Saturnin, pour échauffer mon imagination, m’avoit rendu témoin de ce qui ſe paſſoit entre le Pere Polycarpe & ma mere, je ne pouvois plus réſiſter au feu qui me conſumoit. Déjà étendue ſur le lit de mon frere, je ſentois ſon vit faire des efforts violens pour pénétrer juſques dans la grotte du plaiſir. Déjà il avoit rompu la premiere barriere qui s’oppoſoit à ſon paſſage, & je commençois à goûter un plaiſir auſſi grand qu’inconnu pour moi, lorſque ſon lit, briſé des ſecouſſes qu’il lui donnoit, tomba avec bruit. Mon frere, loin d’être effrayé de cette chûte, n’en piquoit que plus vigoureuſement ſa monture ; nous approchions du ſouverain bonheur, lorſque ma mere ouvrit la porte du cabinet, accompagnée du Pere Procureur, qui arracha mon amant de mes bras, malgré les efforts qu’il faiſoit pour y demeurer. [...] Lorſqu’après une abondante effuſion de liqueur de part & d’autre, je voulois me relever, je ſentis qu’il grimpoit ſur mon dos. Il fallut, malgré moi, céder au poids de ſon corps. Il étoit à peine ainſi placé que le Commis entra. Son arrivée parut d’abord le déconcerter, il ne fut cependant pas long-temps à ſe remettre ; tu ſeras sûrement étonné, lui dit-il, des libertés que je prends avec ta maîtreſſe ; mais apprends, mon ami, quelle étoit à moi avant de t’appartenir. Tiens, crois moi, prends ton parti auſſi gaiment que je l’ai pris quand je t’ai ſoupçonné, avec quelque fondement, d’être mon rival. Voilà Madame dans une poſture propre à donner du plaiſir. Deux trous très appétiſſans, ſemblent être deux rivaux qui ſe diſputent la préférence : choiſis celui que tu voudras ; peu m’importe. Pourvu que tu me branles pour m’amuſer pendant que je ſuivrai l’Office, ſerai content. Le jeune homme ne ſe fit pas prier & m’encula. Je fis un cri qui auroit été entendu de toutes les perſonnes qui étoient dans l’Égliſe s’il ne ſe fût confondu avec toutes les voix qui chantoient les louanges de Dieu. J’avois conſervé juſqu’alors mon ſecond pucelage. J’ignorois même le plaiſir que les hommes trouvoient à cette jouiſſance. Pendant que nous étions tous trois fort occupés, l’enfant entra ainſi qu’il lui avoit ordonné. À la vue du ſpectacle qu’il avoit devant les yeux, il alloit ſe retirer quand mon maître de Muſique l’appella : mets, lui dit-il, le bout du ſoufflet que tu tiens à ta main dans le cul de ce bougre-là, & ſouffle de toutes tes forces. Comme il commence à perdre haleine, je veux que tu le ranimes par ce moyen-là. [...] Dès que nous fûmes dans la campagne, le premier bled qu’ils rencontrerent leur parut propre à ſatisfaire leurs déſirs ; ils m’y firent entrer, ſans me demander ſi c’étoit de mon goût. Comme les ſoldats ne ſont pas délicats, la premiere place qu’ils trouverent fut celle qu’ils choiſirent pour offrir un ſacrifice à Vénus. Le cavalier voulut d’abord me préſenter ſon offrande, mais elle étoit ſi magnifique, qu’elle ne put jamais entrer dans ſon temple, malgré les efforts qu’il fit & les douleurs que j’endurai, ou, pour parler plus clairement, je n’ai jamais vu un vit ſi long & ſi gros. Il étoit d’une taille à faire reculer la putain la plus intrépide. Si les cris que je fis, & le mal qu’il ſouffroit lui-même, n’eût ſuſpendu ſa rage, c’en étoit fait de moi, les deux trous n’en auroient plus fait qu’un. Je ne pus appaiſer l’ardeur de mon redoutable fouteur qu’en le branlant ſix fois. Quand ce ſur le tour du grenadier, autant ſon camarade m’avoit fait souffrir, autant celui-ci me fit de plaiſir. Il n’étoit pas moins vigoureux ; mais au moins avois-je de quoi le ſatisfaire amplement. [...] Il y avoit dans la chambre où nous étions, un vieux rouet, qui avoit jadis ſervi à dévider du fil. Je l’armai de huit godemichés, que je plaçai en dehors, vis-à-vis de chaque rayon de la roue ; & dès qu’il fut achevé, nous en fîmes l’eſſai. Nous nous placions ainſi : l’une étoit penchée ſur un buffet, la chemiſe relevée juſques ſur les épaules, & cul allongé autant qu’il étoit poſſible : l’autre également nue, étoit à peine appuyée à la renverſer ſur le ſiége d’un fauteuil, & ſe tenant les cuiſſes extrêmement écartées : le rouet étoit établi entre nous à égale diſtance. Une jeune perſonne qui étoit depuis peu avec nous, & qui n’avoit pas beſoin de ce ſecours pour ſatisfaire ſa paſſion à peine naiſſante, nous rendoit le ſervice de tenir la manivelle de la roue, & de la faire tourner. Lorſque par le frottement des godemichés, nous ſentions qu’ils touchoient les levres de notre con, nous nous élancions deſſus & les faiſions entrer très-avant. Nous répétions la même choſes autant de fois qu’il le falloit pour provoquer la décharge. Lorſque nous avions fini, les godemichés ſe démontoient, & le rouet ſervoit à dévider tout comme auparavant. Tels ſont les mets auxquels je ſuis forcée d’être réduite à preſent. Combien je me ſerois épargné de chagrin, ſi dans des temps plus heureux pour moi, j’avois ſu mettre des bornes à mes deſirs. [...] Quand tout fut achevé, il me plaça ſur l’eſcarpolette, m’enjoignit de tenir les genoux élevés, d’écarter les cuiſſes le plus que je pourrois, & d’avoir bien ſoin de préſenter toujours le con en avant. Dès que je fus bien inſtruite de tout ce que je devois faire, mon amant donna le branle à l’eſcarpolette & ſe tint à quelque diſtance, le vit en arrêt ; il avoit ſi bien pris ſes meſures que, lorſque l’eſcarpolette fut en mouvement, il ne manqua pas de mettre dans le noir. Donnant un coup de cul chaque fois, ſon vit touchoit les levres de mon con ; il le faiſoit entrer très avant & rendoit le mouvement de l’eſcarpolette plus actif. De façon que plus le plaiſir approchoit, plus les ſecouſſes propres à l’accélérer, étoient répétées. Quand il ſe vit près de décharger, pour ne point perdre cette précieuſe liqueur, au lieu de me repouſſer comme il avoit fait juſqu’alors, il me prit les jambes ſous ſes bras & m’appuyant fortement avec ſes deux mains le cul contre ſon ventre, il m’inonda d’un déluge de foutre. [...]"

NDLR : C'est assez dire que ce texte est plaisant et propre à faire jouir les esprits les plus fins.

Référence : Dutel, Bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1650 et 1880, n°691 (du n°687 au n°695 pour les autres éditions).



Très rare édition révolutionnaire parue en pleine Terreur de ce curiosa rare dans toutes ses éditions anciennes.

Superbe exemplaire en belle reliure décorée de l'époque, ce qui en fait bien plus qu'une rareté bibliographique avérée, une perle bibliophique démontrée.

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