vendredi 28 octobre 2011

La Marquise de Sade par Rachilde (1887). Le roman d'une décadente par "Mademoiselle Baudelaire". Rare.



Marguerite Eymery dite RACHILDE

LA MARQUISE DE SADE. Frontispice de Lunel. Têtes de chapitres de F. Fau, culs-de-lampe de Stein.

Paris, Ed. Monnier et Cie, 1887.

1 volume in-18 (20 x 12,5 cm), broché, (4)-387 pages. Couverture de l'éditeur décorée sur le premier plat d'une composition en couleurs par Eugène Grasset. Premier plat en bon bon état avec les bords légèrement passés, dos et bordure du second plat insolé, sinon très bon état. Exemplaire non rogné. Quelques rousseurs.

ÉDITION ORIGINALE.

Voici ce que Octave Uzanne, alors directeur de la rédaction et patron de la revue bibliographique Le Livre, publie dans le n°85 du 10 janvier 1887 de sa revue (pp. 58-59) : "Il y a des choses fort intéressantes, d'amusants coins d'observations dans le nouveau roman que Rachilde vient de faire paraitre sous ce titre à effet, la Marquise de Sade. Une sensation bien réelle de la vie se dégage de tout le début du livre, un souffle de vérité poignante s'envole des passages consacrés à l'analyse intime de cette âme de fillette ; tout ce qui a trait à son enfance, à ses jeux, à ses petites joies et à ses grosses tristesses, est traité avec une sensibilité sincère, une note émue et communicative. On devine qu'on se trouve en présence d'une observation abolument féminine, par sa délicatesse, sa minutie précieuse et son grossissement exagéré des faits intimes, des petites choses ; mais tout ce qui serait défaut ailleurs, appliqué à une étude de petite fille, devient qualité et communique au roman un charme particulier. Nous voudrions nous en tenir là, rester à cette première partie et ne pas aller plus loin. Malheureusement l'oeuvre tombe, vers la fin, dans une boue bizarre, plus imaginaire que vraie, où se roule l'héroïne, devenue une sorte d'hystérique hallucinée, mêlée aux aventures les plus folles, les plus invraisemblables, en dehors de toute nature. Pourquoi l'auteur, par ce débordement d'incohérences maladives, malsaines et fausses, a-t-il gâté comme à plaisir une oeuvre qui s'annonçait bien et rélélait de réels mérites d'écrivain ? Etait-ce pour justifier un titre plus criard que séduisant, était-ce pour quelque autre motif que nous ignorons ? Nous le regrettons pour le roman, pour le lecteur et pour l'auteur."

La couverture est datée de 1886 bien que le titre porte la date de 1887. En réalité le volume sort des presses à l'automne 1886 (Corbeil, typographie de Crété).

La Marquise de Sade de Rachilde doit se lire comme une réplique cinglante à Peyrebrune (Mathilde Marie Georgina Elisabeth de Peyrebrune, son amie), l'auteur reprend en les raillant les thèmes de la maternité, du mariage, des médecins et du savoir supérieur des hommes. Peyrebrune avait, à la différence de Rachilde, une réputation de moralité austère et, pourtant, cette femme à la discipline « couventuelle » — comme disait Catulle Mendès (Peyrebrune, 1901, p. iii) — a été, pendant vingt ans, la confidente intime de la jeune décadente et un substitut de cette mère en qui elle n’avait jamais eu confiance. Un jeu de lettres de Rachilde, inédit et sans doute incomplet, en fait foi.

Rachilde a 26 ans lorsqu'elle publie la Marquise de Sade. Cette jeune auteure récalcitrante et pleine du désir de choquer, est convaincue de l’importance de vivre pleinement et scandaleusement ce qu’elle baptisait son côté viril et créateur. Rachilde tenait un salon littéraire qui attirait de nombreux jeunes écrivains et poètes. Elle est considérée tour à tour comme muse et fondatrice de l'école décadente. Le jeune Maurice Barrès la surnommera même "Mademoiselle Baudelaire". C'est elle qui créera en compagnie de son mari, Alfred Vallette, la revue du Mercure de France (1889). Bien qu'elle soit l'auteur du pamphlet Pourquoi je ne suis pas féministe, et qu'elle tienne parfois des propos misogynes, Rachilde est l'auteure d'une oeuvre qui dérange et qui met mal à l'aise car s'inscrivant violemment contre l'ordre social et le rapport traditionnel des sexes, contre la phallocratie. De fait, ses détracteurs l'ont accusée de perversité, d'obscénité, voire de pornographie. En effet, selon eux, une femme se doit de taire ses fantasmes et ses plaisirs sous peine de manquer aux lois de la bienséance et de la convenance. Rachilde devient alors ce monstre tant redouté à l'époque de la vierge initiée qui "en sait plus long qu'une vieille femme " (in : La Marquise de Sade, Rachilde, p. 13). Aussi les mauvaises langues, confondant la vie de l'auteur et celle de ses personnages, la réalité et la fiction, la soupçonnent-elles de débauche. Se moquant de la réputation qu'on lui taille, Rachilde mène sa vie comme elle l'entend : affranchie et indépendante. On comprend que Octave Uzanne, auteur de mirifiques ouvrages sur les femmes (anciennes et modernes), avec son regard dandy et misogyne, n'ait pas pu comprendre "à chaud" toute la portée de ce roman singulier.

Ce volume, peu commun, est aussi recherché pour la jolie composition d'Eugène Grasset qui illustre le premier plat de couverture. Il ne semble pas exister de grands papiers pour ce roman.

TRÈS BON EXEMPLAIRE DE CE LIVRE RARE D'UNE "DÉCADENTE".

VENDU

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