lundi 1 mars 2010

La rarissime Satire XII sur l'équivoque de Boileau au format in-4 (1711). Impression clandestine interdite par ordre de Louis XIV.




BOILEAU DESPREAUX (Nicolas)

SATIRE DOUZIÈME SUR L'ÉQUIVOQUE. [précédée du] DISCOURS DE L'AUTEUR POUR SERVIR D'APOLOGIE A LA SATIRE XII. SUR L'ÉQUIVOQUE.

S.L.N.D. [1711] ?

In-4 (Hauteur : 250 mm) de 20 pages. On trouve un fleuron au milieu de la page 6 (fin du Discours). Les cahiers sont signés A4-B4-C2.


Exemplaire conforme à l'unique exemplaire répertorié par Émile Magne dans sa Bibliographie générale des Oeuvres de Nicolas Boileau-Despreaux etc., P., Giraud-Badin, 1929, tome I, pp. 113-121, n°72. Cette édition ne possède pas de page de titre. Le Discours de l'auteur pour servir d'apologie à la satire XII occupe les pages 1 à 6 ; Le texte de la Satire occupe les pages 7 à 18 ; La page 19 contient une Épigramme aux Révérends Pères et la page 20 contient une Épigramme "sur mon Épître de l'Amour de Dieu."


Nous reprendrons les commentaires d'Émile Magne au sujet de cette mince édition au format in-4 :

"Cette plaquette nous paraît présenter toutes les caractéristiques d'une édition française et même parisienne. Elle contient le Discours véritable de Boileau et deux Épigrammes qui appartiennent aussi au satirique. Le texte de la Satire semble correct. On n'y rencontre pas les pièces tendancieuses que les éditeurs hollandais ajoutèrent à leurs impressions. Dans l'impossibilité où nous nous trouvons de préciser laquelle des nombreuses éditions de la Satire II précéda les autres, celle-ci, si l'on en rencontrait un exemplaire complet, attirerait justement la prédilection des bibliophiles. C'est pourquoi nous la plaçons en tête de ses contemporaines."

L'exemplaire cité par E. Magne était celui du fond de la Bibliothèque du Mans, Théologie, n°3.038.

M. Magne se trompait visiblement, cette édition en 20 pages in-4 ne possède pas de page de titre, preuve en est l'exemplaire que nous proposons et qui se trouve encore dans sa reliure d'époque.

Cette édition en 20 pages se trouve reliée à la fin de l'édition in-4 donnée par Esprit Billiot en 1713 : Oeuvres de Nicolas Boileau Despreaux. Nouvelle édition, revue et corrigée. Première et seconde partie. Collation : Portrait de Boileau en frontispice d'après de Troy et gravé par Drevet, (30)-772-(2)-20 pages. Le Lutrin contient 6 belles eaux-fortes d'après Gillot et gravées par Scolin. La seconde partie des Oeuvres a sa propre page de titre comprise dans la pagination.

Reliure plein veau brun, dos à nerfs orné avec dans les caissons le chiffre PS. Le chiffre PS se trouve également aux quatre coins des plats. Reliure solide mais frottée, accrocs aux coiffes, coins, mors partiellement fendus, large mouillure aux premiers feuillets (reliure de l'époque). L'ensemble du volume reste en bon état et sain. La Satire XII (20 dernières pages) est en parfait état.


Provenance : Exemplaire au chiffre du Collège de Plessis-Sorbonne. On peut noter un ancien prix à la plume au verso du deuxième plat : 27 livres et 10 sols.

Historique de la Satire XII sur l'équivoque ou les équivoques :

Nicolas Boileau-Despréaux meurt dans sa soixante-quinzième année à Paris le 13 mars 1711 au terme d'une vie consacrée à la littérature et plus particulièrement à la poésie. Libéré des contraintes matérielles par l'héritage qu'il fait de son père, il peut, dès 1657 (il a 20 ans), écrire. Lié très jeune aux plus grands littérateurs de son temps, par l'entremise de son frère Gilles Boileau, il investit les cercles mondains et distingués pour y faire ses premières armes de poète.

C'est d'abord dans le genre de la satire qu'il s'illustre dès 1657. Ses satires I à VII seront finalement publiées ensemble dès 1666. Ses attaques contre les auteurs sont virulentes surtout tellement bien tournées qu'il gagne rapidement la notoriété. Les satires VIII et IX seront publiées en 1668. Il y gagne succès et de très nombreuses inimitiés. Boileau admire Molière, il est à ses côtés dans la querelle de L’École des femmes. Ses rapports avec La Fontaine sont des plus éloignés. Il s'éloigne alors brusquement du genre de la satire (pour 25 ans) et se tourne vers le genre de l'épître ; les épîtres morales plus précisément. (il publiera XII épîtres jusqu'en 1695).

En 1694, Boileau revient à la satire, toujours misogyne, c’est aux femmes qu’il s’en prend. Il profite surtout des prétextes que lui offre son sujet pour se moquer des Modernes et des Casuistes. C’est contre la casuistique qu’il mène son dernier combat. Il écrit sa dernière épître et ses deux dernières satires. Elles valent par la chaleur de la conviction et par le courage dont elles témoignent. Seules purent paraître, l’épître XII et la satire XI.

Pendant sept ans, Boileau s’épuise en démarches pour obtenir le droit de publier la satire XII, la plus importante, celle où il s’en prend à l’Équivoque. Le 3 janvier 1711, Louis XIV lui-même, sur le conseil de son confesseur le Père Le Tellier, interdit qu’elle soit imprimée.

Qu'est-il advenu de cette satire XII ?

"On ne trouve ni dans l'une ni dans l'autre (édition in-12 publiée la même année) sa satire XII sur l'équivoque."

Voici ce que Brunet ajoute :

"On croit que l'impression de celle édition avait été commencée du vivant de l'auteur, bien qu'elle n'ait été terminée que deux ans après sa mort, par les soins de Valincourt et de Renaudot. Ces deux éditeurs ont ajouté de nouvelles notes à celles de Boileau. Le libraire Esprit Billiot donna dans la même année une édition in-12 de xlviij, 558 et 508 pp. On ne trouve ni dans l'une ni dans l'autre la salire XII sur l'équivoque, pièce réunie pour la première fois aux œuvres de l'auteur dans l'édition que Brossette a fait imprimer à Genève, en 1716, en 2 vol. in-4. et en 4 vol. in-12. avec ses commentaires."

On trouve une notice dans le Bulletin de la librairie Morgand (n°948) qui indique un exemplaire de cette même édition de 1713, contenant, en manuscrit, à la fin, la Satire XII avec les autres pièces en vers qui l'accompagnent.

On lit enfin, dans l'édition plus récente des Oeuvres de Boileau par Charles-H Boudhors, 1960, p. 314 : "Ne vient-il pas à l'esprit que subrepticement, pour quelques privilégiés, Billiot a glissé dans son édition la Satire frappée d'interdiction ?"

Billiot n'a pas le droit de faire imprimer cette Satire XII en 1711 lors de l'achèvement de son écriture par Boileau. On peut supposer de l'éditeur a fait imprimer quelques exemplaires, sans page de titre (donc sans adresse) de la Satire XII, d'une part afin de la distribuer à quelques amis de l'auteur et lecteurs moins regardant sur l'interdiction pourtant en vigueur (Billiot risquait beaucoup en publiant sous interdiction du Roi une Satire de Boileau). L'édition in-4 publié en 1713 étant déjà commencée, il avait également sans doute en tête d'ajouter cette petite pièce de 20 pages à quelques exemplaires. Ce qu'il fit.

Voici encore quelques détails concernant cette édition de 1713 décidément sujet à caution et dont les bibliographes ne tarissent pas :

"Boileau venait de commencer une nouvelle édition vers la fin de 1710, mais ses ennemis ayant obtenu une défense d'y insérer la satire XII, « il aima mieux, dit Desmaiseau.x p. 282 à 285 (il y donne le récit de celle intrigue), supprimer entièrement cette édition que de la mutiler. » Quelques personnes disent aujourd'hui que l'édition de 1713 est cette même édition que Valincourt et Renaudot reprirent après la mort de Boileau (13 mars 1711). On serait autorisé à regarder ce récit comme apocryphe, si l'on réfléchit que l'avis du censeur, destiné à autoriser l'impression, n'est que du 7 nov. 1712, et quoique ce censeur soit Renaudot lui-même, il est douteux qu'il eût voulu s'exposcr sans utilité aux risques inséparables d'une imputation de faux... Admettons-en toulefois l'exactitude, cette édition ne mériterait quelque confiance que jusqu'au point où Boileau l'avait interrompue ; encore cela est-il susceptible de beaucoup de restrictions, si l'on se rappelle l'usage où il était de faire souvent ses corrections au moment du tirage, et l'on convient d'ailleurs que l'édition de 17 13 est moins correcte que celle de 1701. Mais dans la même hypothèse , quel est l'endroit de l'édition où Boileau s'arrêta ? Suivant Desmaiseaux, ce fut à la cinquième feuille, ce qui conduirait pour l'in-4, au 78e vers de la satire VI, et pour l'in-12, au 92e vers de la satire VIII .... Nous serions tentés d'assurer que Boileau ne revit les épreuves que de la première pièce (Discours au roi ), parce qu'on trouve dans la suivante une faute trop grossière pour quelle lui fût échappée, ou qu'il ne l'eût pas au moins corrigée dans un carton." (in Notes bibliographiques de M. Berriat Saint-Prix pour l'édition des Œuvres de Boileau, tome I, 1830).

RARISSIME ÉDITION INTERDITE SUR ORDRE DE LOUIS XIV, EN 20 PAGES IN-4 DE LA SATIRE XII ET DU DISCOURS (1711), RELIÉE A LA FIN DE L'ÉDITION DES ŒUVRES DE L'ÉDITION DONNÉE PAR ESPRIT BILLIOT EN 1713, DANS UNE RELIURE ANCIENNE AU CHIFFRE DU COLLÈGE DE PLESSIS-SORBONNE.

VENDU

Liens vers d'autres livres

Related Posts with Thumbnails