
Désyr RAVON
LES LIBERTINES - IAMBES.
Paris, Librairie internationale, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, à Bruxelles et Livourne, 1870.
1 volume in-12 (18 x 11 cm) de 56-(1) pages.
Reliure demi-toile chagrinée rouge, titre doré en long (reliure de l'époque).
ÉDITION ORIGINALE RARISSIME.
Il faut lire ici le mot libertin dans le sens libertaire.
Désyr Ravon (il semble que ce soit son vrai nom ??), était un poète charentais, mort à 30 ans, en décembre 1878. On apprend dans un des seuls articles nécrologiques qui lui est consacré, que ses funérailles eurent lieu au Pontouvre, près d'Angoulême. Ce poète, qui était un savant, nous dit-on, avait remporté le premier prix de mathématiques au concours entre tous les lycée de France. Il était par ailleurs vice-président de l'Académie des Muses santones. On lit aussi que M. Victor Billaud avait consacré une étude à Ravon dans la Chronique charentaise du 24 novembre 1878, feuille hebdomadaire imprimée à Saint-Jean d'Angély par Lemarié. Voici ce qui y était écrit :
"Pendant que d'autres rééditent à grand peine, dans un langage toujours uniforme, les banalités des impressions reçues dans tous les pays et dans tous les temps, Désyr Ravon étale avec savoir, sous nos regards éblouis, une multitude de détails qui, avant Baudelaire et Leconte de Lisle, nous étaient complètement inconnus. A côté de pièces philosophiques de la plus haute portée, on rencontre à chaque instant dans ses oeuvres, alternativement avec les ravissants paysages, des soleils, des aubes, des matins dont l'azur imite les agates, des rubis, des turquoises, des saphirs, des profusions de pierreries et d'or disposés en colliers, en bracelets, en bagues, en pendeloques, et toutes ces teintes, tous ces mirages, tous ces bijoux qui chatoient dans les phrases de son style magnifique et savant, ces expressions techniques puisées dans tous les vocabulaires, ces détails multiples et précis qui font miroiter l'imagination par la variété de leurs couleurs éclatantes ; tout cela est à la fois son lot et l'ensemble des attributs de l'art tel qu'il l'envisage. Désyr Ravon est un de nos plus grands espoirs, à nous les jeunes, et dès aujourd'hui Victor Hugo a pu lui écrire : "Il y a à cette heure une noble légion d'esprits en marche. Cet essaim de poètes s'envole dans l'aurore. Vous êtes un de ceux qui planent le plus haut. Votre poésie est altière en même temps que douce, et j'aime en elle l'âpre accent de la liberté !"
Désyr Ravon, d'après ce document, aurait publié trois recueils, seulement. Roses noires (1875), les Poèmes contemporains (1876) et les Oiseaux sauvages (inconnu au CCfr ?).
Ce mince volume des Libertines est composé de cinq longs poèmes en vers intitulés Les deux siècles, Le cirque, Les aînés, Dix-huit ans après et Les jeunes.
On lit, dans la revue de l'époque, le Polybiblion (p. 123, année 1878), à propos du recueil Poèmes contemporains :
"Les Poèmes contemporains étaient à leur première page une de ces lettres hyperboliques dont M. Hugo a le privilège. M. Désyr Ravon est un reflet du maître ; antithèses gigantesques, trivialités, rythme sonore, il a cherché à copier M. Hugo et n'y a quelquefois pas mal réussi, surtout quand il a voulu imiter les étrangetés du grand poète. On pourrait croire alors une parodie." On lit plus loin :
"M. Ravon est trop révolutionnaire en tout pour s'inquiéter des lois de la grammaire et du goût. En politique, il aime Danton et traite les députés de séniles caboches ; en fait de croyance, il est athée et espère que ses restes se confondront dans le grand tout, que son sang servira à colorer les fruits, que ses os feront du marbre, que ses cheveux blondiront dans l'or des moissons."
Et le commentateur termine :
"Il eût manqué à ce volume (Poèmes contemporains) quelque chose, si on n'y eût trouvé une ode à Garibaldi, et il eût manqué quelque chose à cette ode, si on n'y eût trouvé une insulte à notre armée."
Voici quelques vers qui donnent assez bien le ton de cet auteur.
Eh bien, je suis comme eux pauvre, inconnu, poète ;
Irai-je donc jongler, comme eux,
Avec les rimes d'or, dans quelque blonde fête,
Pour m'asseoir au banque joyeux ?
Moi, le doux pélerin qu'on voit le long des haies,
Errer du bleu des cieux et du rouge des baies,
Qu'en passant récolte ma main,
Le paresseux ami des longs loisirs sans règles,
Des siestes sous les bois penchés,
Des oiseaux effarés s'abattant dans les seigles,
Des boeufs dans les herbes couchés,
Le rêveur que ravit la rougeur aurorale,
Le fou, qui suit, les yeux brillants,
Dans les Ethers glacés, la lune douce et pâle
Que frôlent les nuages blancs,
Irais-je donc, pliant mon échine aux courbettes,
et mon âme aux cupidités,
Comme un clown harnaché de fils et de sonnettes,
Eveiller les ris hébétés,
Et triste, sous mon masque, à la sottise lourde,
Au vice de cordons paré,
A la lâcheté basse, à la trahison sourde,
au parasitisme doré,
Prodiguer platement mes douces flatteries
Et mes éloges emmiellés,
Pour voir davant mes pas (faveurs dignes d'envies,)
S'ouvrir les palais crénelés ?
LES LIBERTINES - IAMBES.
Paris, Librairie internationale, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, à Bruxelles et Livourne, 1870.
1 volume in-12 (18 x 11 cm) de 56-(1) pages.
Reliure demi-toile chagrinée rouge, titre doré en long (reliure de l'époque).
ÉDITION ORIGINALE RARISSIME.
Il faut lire ici le mot libertin dans le sens libertaire.
Désyr Ravon (il semble que ce soit son vrai nom ??), était un poète charentais, mort à 30 ans, en décembre 1878. On apprend dans un des seuls articles nécrologiques qui lui est consacré, que ses funérailles eurent lieu au Pontouvre, près d'Angoulême. Ce poète, qui était un savant, nous dit-on, avait remporté le premier prix de mathématiques au concours entre tous les lycée de France. Il était par ailleurs vice-président de l'Académie des Muses santones. On lit aussi que M. Victor Billaud avait consacré une étude à Ravon dans la Chronique charentaise du 24 novembre 1878, feuille hebdomadaire imprimée à Saint-Jean d'Angély par Lemarié. Voici ce qui y était écrit :
"Pendant que d'autres rééditent à grand peine, dans un langage toujours uniforme, les banalités des impressions reçues dans tous les pays et dans tous les temps, Désyr Ravon étale avec savoir, sous nos regards éblouis, une multitude de détails qui, avant Baudelaire et Leconte de Lisle, nous étaient complètement inconnus. A côté de pièces philosophiques de la plus haute portée, on rencontre à chaque instant dans ses oeuvres, alternativement avec les ravissants paysages, des soleils, des aubes, des matins dont l'azur imite les agates, des rubis, des turquoises, des saphirs, des profusions de pierreries et d'or disposés en colliers, en bracelets, en bagues, en pendeloques, et toutes ces teintes, tous ces mirages, tous ces bijoux qui chatoient dans les phrases de son style magnifique et savant, ces expressions techniques puisées dans tous les vocabulaires, ces détails multiples et précis qui font miroiter l'imagination par la variété de leurs couleurs éclatantes ; tout cela est à la fois son lot et l'ensemble des attributs de l'art tel qu'il l'envisage. Désyr Ravon est un de nos plus grands espoirs, à nous les jeunes, et dès aujourd'hui Victor Hugo a pu lui écrire : "Il y a à cette heure une noble légion d'esprits en marche. Cet essaim de poètes s'envole dans l'aurore. Vous êtes un de ceux qui planent le plus haut. Votre poésie est altière en même temps que douce, et j'aime en elle l'âpre accent de la liberté !"
Désyr Ravon, d'après ce document, aurait publié trois recueils, seulement. Roses noires (1875), les Poèmes contemporains (1876) et les Oiseaux sauvages (inconnu au CCfr ?).
Ce mince volume des Libertines est composé de cinq longs poèmes en vers intitulés Les deux siècles, Le cirque, Les aînés, Dix-huit ans après et Les jeunes.
On lit, dans la revue de l'époque, le Polybiblion (p. 123, année 1878), à propos du recueil Poèmes contemporains :
"Les Poèmes contemporains étaient à leur première page une de ces lettres hyperboliques dont M. Hugo a le privilège. M. Désyr Ravon est un reflet du maître ; antithèses gigantesques, trivialités, rythme sonore, il a cherché à copier M. Hugo et n'y a quelquefois pas mal réussi, surtout quand il a voulu imiter les étrangetés du grand poète. On pourrait croire alors une parodie." On lit plus loin :
"M. Ravon est trop révolutionnaire en tout pour s'inquiéter des lois de la grammaire et du goût. En politique, il aime Danton et traite les députés de séniles caboches ; en fait de croyance, il est athée et espère que ses restes se confondront dans le grand tout, que son sang servira à colorer les fruits, que ses os feront du marbre, que ses cheveux blondiront dans l'or des moissons."
Et le commentateur termine :
"Il eût manqué à ce volume (Poèmes contemporains) quelque chose, si on n'y eût trouvé une ode à Garibaldi, et il eût manqué quelque chose à cette ode, si on n'y eût trouvé une insulte à notre armée."
Voici quelques vers qui donnent assez bien le ton de cet auteur.
Eh bien, je suis comme eux pauvre, inconnu, poète ;
Irai-je donc jongler, comme eux,
Avec les rimes d'or, dans quelque blonde fête,
Pour m'asseoir au banque joyeux ?
Moi, le doux pélerin qu'on voit le long des haies,
Errer du bleu des cieux et du rouge des baies,
Qu'en passant récolte ma main,
Le paresseux ami des longs loisirs sans règles,
Des siestes sous les bois penchés,
Des oiseaux effarés s'abattant dans les seigles,
Des boeufs dans les herbes couchés,
Le rêveur que ravit la rougeur aurorale,
Le fou, qui suit, les yeux brillants,
Dans les Ethers glacés, la lune douce et pâle
Que frôlent les nuages blancs,
Irais-je donc, pliant mon échine aux courbettes,
et mon âme aux cupidités,
Comme un clown harnaché de fils et de sonnettes,
Eveiller les ris hébétés,
Et triste, sous mon masque, à la sottise lourde,
Au vice de cordons paré,
A la lâcheté basse, à la trahison sourde,
au parasitisme doré,
Prodiguer platement mes douces flatteries
Et mes éloges emmiellés,
Pour voir davant mes pas (faveurs dignes d'envies,)
S'ouvrir les palais crénelés ?
Les deux siècles, chant IV
Non, car c'est toi que j'aime, ô liberté sacrée !
Jeune, j'ai mordu ton sein blanc,
Et j'ai de tes baisers dans mon âme enfiévrée
Gardée le souvenir brûlant.
Les deux siècles, Chant V (premiers vers).
Désyr Ravon, août 1869.
BON EXEMPLAIRE.
VENDU