mercredi 23 novembre 2011

Mémoires du Régiment joyeux et burlesque de la Calotte (1732). Superbe exemplaire en maroquin de l'époque. Très rare dans cette condition.



COLLECTIF - AYMON ET DE TORSAC, PLANTAVIT DE LA PAUSE (Guillaume), PIRON (Aimé), etc.

MÉMOIRES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA CALOTTE. Nouvelle édition augmentée d'un tiers.

A Moropolis. Chez le libraire de Momus, à l'enseigne du Jésuite démasqué. 1732.

3 parties en 1 volume in-12 (135 x 80 mm) de (11)-192, 156 et 161-(7) pages.

Reliure plein maroquin rouge, dos lisse orné à la grotesque, triple-filet doré en encadrement des plats, roulette dorée sur les coupes et en encadrement intérieur des plats, doublures et gardes de papier marbré, tranches dorées sur marbrure (reliure de l'époque). Reliure en excellent état, proche du neuf, intérieur très frais.


NOUVELLE ÉDITION.

"Le Régiment de la Calotte fut fondé vers la fin du règne de Louis XIV, par une société de joyeux officiers, qui n'avaient, à ce qu'il paraît, rien de mieux à faire que de se moquer de tout le monde, en commençant par eux-mêmes. Le hasard donna lieu à cette facétie, qui se prolongea plus d'un demi-siècle. Les fondateurs furent : Aymon, porte-manteau du roi, et de Torsac, exempt des gardes du corps. Ces messieurs s'entretenaient avec quelques amis, quand l'un d'eux se plaignit d'avoir mal à la tête, et qu'il dit qu'il avait une calotte de plomb. Le mot fut relevé ; il fit fortune : de là le nom du régiment de la calotte donné à leur réunion. Elle fit frapper des médailles, adopta un étendard et un sceau avec des armes parlantes, où se trouvaient réunies, dans toutes les règles de l'art héraldique, une calotte, une pleine lune, un rat, un drapeau, une marotte, deux singes habillés, bottés, avec l'épée au côté. La devise était : favet Momus, luna influit. Une autre devise portait : C'est régner que de savoir rire. Les associés se mirent à distribuer des brevets en vers à tous ceux qui faisaient quelque sottise éclatante : ministres, princes, maréchaux, courtisans, abbés, dames de la cour, financiers, hommes de lettres, artistes, comédiens, personne ne fut excepté. Le brevet de la calotte devint alors une véritable censure des travers et des ridicules. Plusieurs personnes du plus haut rang s'empressèrent de s'enrégimenter. Ceux qui se montraient peu flattés de cette distinction bouffonne ne faisaient que s'attirer de plus sanglants brocards ; et les rieurs n'étaient pas de leur côté : témoin le peintre Coypel, qui vint se plaindre au régent de l'envoi fait à son fils d'un brevet de la Calotte. « Je suis déshonoré, dit-il, je n'ai plus qu'à quitter la France ! – Bon voyage ! » Répondit froidement le prince. Il y eut bien des menées pour détruire le régiment de la Calotte ; mais, grâce à la faveur publique et à la protection secrète du gouvernement, il subsista malgré le crédit de ses puissants ennemis. Le sieur Aymon fut son premier généralissime. Louis XIV lui demanda un jour s'il ne ferait jamais défiler son régiment devant lui : « Sire, répondit le hardi plaisant, il n'y aurait personne pour le voir passer . » Cette anecdote a donné lieu au poème du Conseil de Momus et de la Revue du Régiment, imprimé à Ratopolis, en 1730. Pendant que les alliés assiégeaient Douai, en 1710, Torsac, étant chez le roi, s'avisa de dire qu'avec 30,000 hommes et carte blanche non-seulement il ferait lever lever le siège aux ennemis, mais aussi qu'il reprendrait en quinze jours toutes leurs conquêtes depuis le commencement de la guerre. Aymond, qui entendit cette bravade, lui céda sur-le-champ le titre de généralissime des calottins, et Torsac conserva ce commandement jusqu'à sa mort, arrivée à Pontoise, en 1724. On composa son oraison funèbre avec des phrases, plus ou moins ridicules, tirées soit des discours prononcés à l'Académie Française, soit des livres alors le plus en vogue. Cette pièce fut imprimée sous ce titre : Éloge historique, ou Histoire panégyrique et caractéristique d'Emmanuel de Torsac, monarque universel du monde sublunauire, et généralissime de la Calotte, prononcé au Champ-de-Mars, et dans la chaire d'Erasme, par un orateur du régiment. Ce burlesque panégyrique, dont le garde des sceaux avait autorisé l'impression, fit scandale à la ville et à la cour. Les hommes de lettres, qui se trouvaient blessés de l'emploi qu'on avait fait malicieusement de leurs phrases, réussir par le crédit de leurs protecteurs à faire saisir cette pièce curieuse. Aymond, secrétaire du régiment de la Calotte, s'adressa alors au maréchal de Villars : « Monseigneur, lui dit-il, depuis qu'Alexandre et César sont morts, nous ne reconnaissons d'autres protecteurs du régiment que vous. » Ce ne fut pas inutilement que le vainqueur de Denain s'interposa auprès du garde des sceaux, qui donna main-levée de la saisie, en disant qu'il ne voulait pas se brouiller avec ces messieurs. Aymont succéda au défunt dans la charge de généralissime, qu'il conserva jusqu'à sa mort en 1731 ; il eut pour successeur le sieur Saint-Martin, lieutenant aux gardes françaises. Son élection se fit avec solennité dans le château du marquis de Livry, premier maître d'hôtel du roi. Plusieurs ministres, secrétaires d'État, ambassadeurs, assistaient à cette cérémonie. Piron fit les fonctions d'orateur. Louis XV et la reine, qui s'intéressaient beaucoup au régiment de la calotte, avaient ordonné au marquis de Livry de leur dépêcher un courrier extraordinaire incontinent après l'élection, pour leur faire savoir sur qui le choix serait tombé. Depuis cette époque le régiment de la Calotte continua paisiblement le cours de ses malicieux enrôlements, et donna lieu à une institution militaire dont on va parler dans l'article suivant. Les publications de la Calotte parurent en plusieurs formats de 1725 à 1752 sous le titre : « Mémoires pour servir à l'histoire de la Calotte ». Les principaux auteurs de ce recueil sont Aymond, Saint-Martin, l'abbé Desfontaines, l'abbé Magon, Gacon, Piron, Grécourt, Roy, etc. Les curieux conservent en outre, dans leur bibliothèque une infinité de volumes manuscrits de brevets de la Calotte. Les Mémoires de ce burlesque régiment sont un monument curieux de la licence de la presse. Il n'est personnage si élevé qui ne s'y trouve attaqué : le régent, Louis XV, Marie Leczinska, n'y sont pas ménagés ; Law, le cardinal Dubois, le cardinal Fleury, le père Daniel, en un mot, l'épiscopat, la robe et la finance, viennent tour à tour figurer sur cette sellette du ridicule. Destouches, Terrasson, Moncrif, Lamothe, Fontenelle et tous les hommes de lettres distingués de l'époque ont chacun leur brevet et leur part d'épigramme. La calotte avait surtout déclaré une guerre à mort à l'Académie Française. Voltaire, dans son Mémoire sur la Satire, publié en 1739, parle avec beaucoup de mépris de la Calotte : on le conçoit ; il est fort maltraité dans les Mémoires du régiment. Ils n'en sont pas moins un monument précieux de l' esprit du jour à l'époque de la régence et pendant les heureuses années du règne de Louis XV. On vit en 1814 une réminiscence des brevets de la Calotte dans la distribution des ordres de l'Éteignoir et de la Girouette, faite par les rédacteurs du Nain Jaune. Enfin, dans son Oraison funèbre de Bonaparte, Beuchot a très-heureusement imité l'Oraison funèbre du sieur de Torsac. C'est ainsi que pour rire de bon cœur il nous faut, dans ce siècle de gravité, imiter tout bonnement ce qu'on fait nos pères." (Charles du Rozoir, 1853)

Dans son Mémoire sur la satire publié en 1739, Voltaire s'en prend violemment aux écrits du régiment de la Calotte : "Au milieu des délices pour lesquelles seules on semble respirer à Paris, la médisance et la satire en ont corrompu souvent la douceur. L’on y change de mode dans l’art de médire et de nuire comme dans les ajustements. Aux satires en vers alexandrins succédèrent les couplets ; après les couplets vinrent ce qu’on appelle les calottes. Si quelque chose marque sensiblement la décadence du goût en France, c’est cet empressement qu’on a eu pour ces misérables ouvrages. Une plaisanterie ignoble, toujours répétée, toujours retombant dans les mêmes tours, sans esprit, sans imagination, sans grâce, voilà ce qui a occupé Paris pendant quelques années; et pour éterniser notre honte, on en a imprimé deux recueils, l’un en quatre, et l’autre en cinq volumes : monuments infâmes de méchanceté et de mauvais goût, dans lesquels, depuis les princes jusqu’aux artisans, tout est immolé à la médisance la plus atroce et la plus basse, et à la plus plate plaisanterie. Il est triste pour la France, si féconde en écrivains excellents, qu’elle soit le seul pays qui produise de pareils recueils d’ordures et de bagatelles infâmes. Les pays qui ont porté les Copernic, les Tycho-Brahé, les Otto-Guericke, les Leibnitz, les Bernouilli, les Wolf, les Huygens ; ces pays où la poudre, les télescopes, l’imprimerie, les machines pneumatiques, les pendules, etc., ont été inventés; ces pays que quelques-uns de nos petits-maîtres ont osé mépriser, parce qu’on n’y faisait pas la révérence si bien que chez nous ; ces pays, dis-je, n’ont rien qui ressemble à ces recueils, soit de chansons infâmes, soit de calottes, etc. Vous n’en trouvez pas un seul en Angleterre, malgré la liberté et la licence qui y règnent. Vous n’en trouverez pas même en Italie, malgré le goût des Italiens pour les pasquinades. Je fais exprès cette remarque, afin de faire rougir ceux de nos compatriotes qui, pouvant faire mieux, déshonorent notre nation par des ouvrages si malheureusement faciles à faire, auxquels la malignité humaine assure toujours un prompt débit, mais qu’enfin la raison, qui prend toujours le dessus, et qui domine dans la saine partie des Français, condamne ensuite à un mépris éternel."

Références : Arthur Dinaux, Les sociétés badines bachiques littéraires et chantantes leur histoire et leurs travaux, ouvrage posthume de Arthur Dinaux revu et classé par Gustave Brunet, avec un portrait à l'eau-forte par G. Staal, Bachelin-Deflorenne éditeur, Paris 1867.

Provenance : E. M. Pelay, Rothomag. (Rouen), étiquette ex libris (ancienne).

BEL EXEMPLAIRE EN MAROQUIN DE L’ÉPOQUE.

VENDU

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