Henri-Joseph DU LAURENS ou DULAURENS
LA CHANDELLE D'ARRAS, poème héroï-comique, en XVIII chants.
A Londres (sans nom), 1774
1 volume in-8 (17 x 10 cm) de XX-181 pages.
Reliure plein maroquin vieux rouge, dos lisse richement orné aux petits fers dorés, roulette dorée en encadrement des plats, filet doré sur les coupes, doublures et gardes de papier bleu, tranches dorées (reliure de l'époque). Petit manque de cuir sur une coupe, légers frottements et ombres au maroquin, nonobstant bel exemplaire très bien conservé dans sa reliure de l'époque en maroquin. Intérieur avec quelques légères salissures sans gravité. Papier légèrement teinté. Bien complet du faux-titre qui a été relié par erreur après le titre.
NOUVELLE ÉDITION.
Cette édition ne contient pas le sous-titre de "Étrennes aux gens d'Eglise". L'abbé du Laurens ou Dulaurens naquit à Douai en 1719. Il fut d'abord Mathurin ; ayant demandé en vain sa translation dans l'ordre de Cluny, il quitta la vie monastique pour se livrer à la littérature, et vint dans ce but à Paris. Bientôt poursuivi pour la publication d'écrits libres et irréligieux, il fut obligé de se sauver à Amsterdam, à Liège, à Francfort. Il ne put tirer un gain suffisant de sa plume et la persécution le poursuivit partout. En 1767, la Chambre ecclésiastique de Mayence le condamna à une prison perpétuelle ; il fut enfermé au couvent de Mariabom, et il y finit ses jours en 1797. Il avait de l'esprit, de l'imagination et une facilité prodigieuse. Il composa le Balai, poème qui n'a pas moins de 6.000 vers, en 22 jours. La Chandelle d'Arras, qui en contient autant, commencée le 2 septembre 1765, était sous presse le 17 du même mois. Ces poèmes ne valent pas la Pucelle de Voltaire, mais ils ne sont pas dénués d'une verve satirique et de pensées originales, souvent heureusement exprimées. (Gay, Bibliographie des ouvrages relatifs aux femmes, à l'amour et au mariage, éd. 1894, I, 534-534). Son roman peut-être aujourd'hui le plus célèbre, Le Compère Mathieu, fut de son temps attribué à Voltaire.
La Chandelle d'Arras fut mise à l'index le 16 juin 1766. Le texte s'ouvre sur une épître fantasque intitulée "Les Philosophes Lapons, épître dédicatoire à Monsieur de Voltaire, comte de Ferney." Elle est signée du non moins fantasque nom Modeste-Tranquille Xan-Xung.
Dans le pays d’Artois, vivent deux amis fidèles, joueurs de violon associés : Jérôme Nulsifrote (séducteur émérite) et Jean La terreur (au nez d’un pied de long). Au hasard des chemins, le chant d’un coucou inspire à Jérôme quelque allusion gaillarde à propos des infidélités de “Nannon” (Annette), l’épouse de Jean. Celle-ci s’attarderait avec les Prêtres du voisinage ? Il n’en faut pas plus à Jean pour répliquer d’une pluie de horions : la bagarre fait rage. Le Ciel s’en mêle par l’éclat d’une tempête qui, malgré la foudre tombant à leurs côtés, ne parvient à séparer les deux amis. Lorsque les gens d’Arras, alertés, accourent sur les lieux, les deux hommes sont épuisés. On les porte à l’hôpital, Annette pleurant alors au chevet de Jean. (Chant I) Le Diable, aux célèbres forfaits dont est jonchée l’histoire chrétienne, fustigeant les doctes sommités religieuses, conte son histoire d’ange déchu à une nommée Agnès. Vêtu en moine, décidé à la repentance, il rencontre Marie qui le guide vers l’hôpital afin de ranimer la vengeance dans l’esprit endormi de Jérôme. Les phrases « vengez-vous comme doit un Chrétien ; / Suivez le Ciel ; le Ciel se venge bien. / C’est un plaisir de punir l’insolence » réveillent alors un Jérôme guidé par les bénédictions de ce Diable dissimulé sous l’habit monacal. (Chant II) À l’hôpital, trois chiens détestables nommés Pif, Pouf et Paf montent la garde. Jérôme, sans sommeil et sans habit, n’hésite pas à sauter du lit et à s’en prendre de nouveau à Jean. Une pluie de coup ensanglante d’abord le faciès du pauvre Jean qui parvient à répliquer. La bagarre fait alors rage à coups de figurines sacrées, tout l’hôpital croyant à un tremblement de terre. Les trois chiens s’en mêlent ; l’un d’eux émascule Jérôme. Les nonnes accourent et constatent le désastre : « O Ciel ! mes Sœurs, les sources de la joie / N’existent plus ! Jésus ! il n’a plus rien ! / Ce châtiment sans doute est pour son bien : / Il baisait trop : mais que dira sa femme ? » Et les Sœurs de se lamenter sur leur propre sort : « De ce fléau, Ciel, préserve nos grilles ! / Que ferions-nous ? » En voulant le soigner avec un Clystère, la Mère Apothicaire blesse le souffrant à la tête, ce qui vaut l’intervention d’un éminent docteur. Cependant, à la trépanation, une Chandelle surgit de la plaie et s’élance dans les airs à la stupéfaction générale. (Chant III) Dans un lyrisme où interviennent Phlégéton, Septentrion, la Renommée, Artémis, etc. Héloïse elle-même (l’épouse d’Abélard) apparaît au chevet de Jeanne et l’informe du malheur subi par son époux Jérôme. Jeanne se précipite à l’hôpital, pleure dans les bras de Nulsifrote, lorsque survient Annette. Courroucée, Jeanne se précipite sur l’épouse ennemie et déclenche les hostilités. Les sœurs de l’hôpital se précipitent sur place mais n’obtiennent qu’invectives à leurs supplications. Le Père directeur accourt. Heureux confesseur de ces « trente chastes Amantes » dont il aurait maintes fois abusé, il n’obtient la paix que par le camouflet que lui inflige Jeanne en dénonçant de façon indécente les excès dont il serait l’auteur. (chant IV) Après Joseph, Jean rencontre Fanchon, qui fut ravaudeuse notoire et fille de maquerelle. Par temps de disette, sa mère l’envoya à quinze ans charmer le vieux et généreux Cassandre. Ce dernier offrit des noisettes à l’enfant qui revint le soir, sur ordre de sa mère, se glisser dans le lit du vieillard. Cassandre, après quelques essais infructueux, retrouva une jeunesse qui lui coûta la vie. L’histoire inspire Jean qui s’éprend de Fanchon et l’attire à l’écart. Fanchon, faussement, lui résiste mais à son déshabillage “forcé” apparaît en l’anatomie de Jean une chandelle « au lieu d’un peigne » ; Fanchon en est courroucée, Jean est effondré. Dunstan se réveille alors et crie au miracle, d’autant que s’interpose l’ange Gabriel. La main de Dieu aurait donc interdit le péché de Jean que Gabriel rappelle à l’ordre en exigeant que Dunstan conduisît le fautif chez saint Patrice. Jean est ainsi libéré de la Chandelle que l’ange emporte vers les cieux ; il remercie le seigneur de l’avoir préservé d’un adultère. (Chant IX) De nombreux saints ayant un animal favori, saint Vaast ému par les déboires de nos deux incompris vole à leur secours en prenant au passage pour monture Jean-Jacques, un Genevois qui « Parmi les Ours, ses compagnons chéris, / A quatre pieds marchait ainsi qu’un âne » (Voulant vanter Héloïse, Jean-Jacques est vivement sermonné). Les deux personnages apparaissent à Lambert : saint Vaast, qui lui présente sa monture qualifiée de « bête sauvage », « enfant du docteur Robinson » auquel les sommités n’ont su répondre, demande à Lambert d’être plus sage et de croire en la venue annoncée de la Vierge à la chandelle. Lambert ameute alors la ville à l’aurore, arrachant de leur couche, et de leurs amours, nombre de serviteurs de l’église. Les chants à la gloire divine fusent à gorges déployées mais ne résistent pas à l’orage soudain : l’église s’ouvre, la Vierge apparaît, une chandelle éclatante dans sa main. Aux yeux de tous, Marie confie la chandelle à Jean, réitérant la consigne d’en verser quelques gouttes dans l’eau pour guérir et prémunir les fidèles, puis elle disparaît. L’enthousiasme est tel qu’à l’instar des figures de la fable, « A son amant, plus d’une pèlerine / Laisse cueillir son innocente fleur ». Chacun vient boire sa coupe miraculeuse, s’adonnant à la fête amoureuse qui lui est alors permise. (Chant XIV) Après un hymne à la virginité, le poète nous présente Javote, petit trésor d’innocence à quatorze ans, fille de La Terreur mais demeurant chez sa tante Barbe. Cette dernière, forte de son expérience (dès l’âge de treize ans), veillait jalousement sur l’enfant convoitée. Trop peu dévote, Barbe n’obtint pourtant à cet égard la bienveillance du bon Dieu : le diable déguisé lui rend visite et lui vante la gloire de son « père, heureux, vainqueur de Nulsifrote » et « sauveur de l’Artois » grâce au flambeau de Marie. Javote ensommeillée est guidée vers Jeannot. Lorsqu’elle s’éveille, Javote n’a qu’une idée : aller vers ce prêtre qu’elle admire déjà. la jeune fille confie au prêtre subjugué son désir de voir la sainte chandelle transmise, dit-on, par son père. Au prétexte que Dieu punit les curieux, Jeannot lui bande les yeux mais lui promet qu’au moins, elle sentira l’effet de la fameuse chandelle. Ce fut ainsi que Javote fut déflorée, abusée mais heureuse au point d’en épuiser son séducteur.
« Javote enfin retrouvant la lumière, / D’un air ému regarde son Pasteur » et s’insurge de découvrir sa “chandelle” éteinte. Jeannot lui promet son éclat pour le lendemain : « Toujours brûler et ne s’éteindre pas / Est une fable : on la croit dans Arras. » Cependant si la chandelle s’éteint parfois, que l’amour, lui, puisse comme le feu d’Arras « Toujours brûler et ne s’éteindre pas ! » (Chant XVIII et dernier). (source : http://du.laurens.free.fr)
La légende d’une chandelle miraculeuse à Arras est avérée, mais pas pour les mêmes raisons que celles avancées par Dulaurens ...
Il est excessivement rare de trouver un exemplaire de ce livre condamné en maroquin de l'époque.
Il est excessivement rare de trouver un exemplaire de ce livre condamné en maroquin de l'époque.
BEL EXEMPLAIRE EN MAROQUIN DE L’ÉPOQUE DE CE TEXTE ANTICLÉRICAL ET FONCIÈREMENT LIBERTIN.
VENDU