samedi 26 décembre 2009

L'Ecole de la volupté de La Mettrie (1747) relié avec L'art d'aimer (1748). Superbe reliure en maroquin rouge. Exemplaire Hector de Backer.




[Julien Offray de LA METTRIE]


L'ÉCOLE DE LA VOLUPTÉ.

Dans l'isle de Calypso, aux depens des Nymphes. 1747.

75 pages y compris le titre imprimé en rouge et noir orné d'une vignette à l'eau-forte. Il n'y a pas de feuillet signé Aii, peut-être faut-il un faux-titre qui n'a pas été relié ici.

Relié avec :

[GOUGE DE CESSIERES]

L'ART D'AIMER, POÈME HÉROÏQUE EN QUATRE CHANTS.

A Amsterdam, s.n., 1748.

XXVIII-(2)-101 pages. Titre imprimé en noir avec une vignette à l'eau-forte.

2 ouvrages reliés en 1 volume petit in-8 (16 x 10,5 cm).

Reliure maroquin vieux rouge, dos lisse richement orné aux petites fers, pièce de titre de maroquin olive, plats décorés d'un encadrement de roulettes fleurdelisées avec des guirlandes dorées en écoinçons, roulette sur les coupes et en encadrement intérieur des plats, doublure et gardes de papier coloré et gaufré dit papier d'Augsbourg (Allemagne), tranches dorées (reliure de l'époque ou très légèrement postérieure, vers 1760-1770). Quelques infimes frottements à la reluire, une petite épidermure et trace sombre au second plat, sans gravité, reliure très fraîche. Intérieur frais. Rares rousseurs. Belles impressions sur beau papier.


L'art d'aimer, relié en tête du volume, ouvrage publié pour la première fois en 1745 en quatre chants comme ici, aura six chants dans sa nouvelle édition de 1750. C'est l'œuvre de François Etienne Gouge de Cessières. Cette édition de 1748 est encore dépourvue d'illustrations. Cet Art d'aimer eut beaucoup de succès en son temps. L'ouvrage débute par une longue lettre à M. D*** de l'Académie des Inscriptions et des Belles Lettres. C'est Ovide qui est, une fois encore, l'inspirateur de ce "badinage". Proposer l'amour comme une vertu et le prescrire comme un devoir, tel sont les buts de l'auteur. Viennent ensuite les quatre chants, suivis de "Thèses de droit civil. Dépit. Elégie. Ode". Ces quatre pièces ne sont pas de l'auteur de l'Art d'aimer nous dit l'avertissement placé en tête de ces courts morceaux en vers.


L'École de la volupté, relié à la suite, est un ouvrage beaucoup plus rare, sorti de la plume du médecin, libertin et matérialiste, Julien Offray de La Mettrie. Mangeur et buveur, pamphlétaire et amateur de filles de joie, penseur et scientifique, athée et philosophe libertin, La Mettrie figure parmi les auteurs matérialistes aux côtés de Diderot et Voltaire. Son œuvre est une apologie du plaisir et de l'amour sur le mode épicurien.

Dans cet ouvrage La Mettrie passe tout d'abord en revue les différents écrivains qui ont magnifié au fil des siècle l'art d'aimer et les plaisirs charnels, ainsi Voltaire, Crebillon, Moncrif, Ste-Foi, Gresset, Bernis, Fréron pour les modernes, pêle-mêle sont évoqués Catulle, Anacréon, Tibule, Pétrone et Ovide. Viennent ensuite les réflexions de l'auteur sur le plaisir et l'amour. La Mettrie fougueux et hardi dans son écriture mérite d'être cité en mille endroits, nous en choisirons un seul à l'image de tout le reste :

"Loin d'ici, race dévote, qui n'avez dans le coeur que le germe de tous les vices & pas une vertu. Etouffer les dons de la nature, c'est indigne de vivre ; être hypocrite, c'est reprocher au Créateur d'avoir fait l'homme pour le plaisir, & tromper l'univers." (p. 42)

Le plaisir qui ne conduit pas à la volupté est-il un plaisir ? s'interroge-t-il alors.

Barbier, dans son dictionnaire des ouvrages anonymes se trompait, tout comme Tchémerzine, lorsqu'il citait une édition de 1746 pour cet ouvrage. La première édition porte la date de 1747. Il existe à cette date au moins deux éditions, une édition de Cologne à l'adresse de Pierre Marteau, en 130 pages (avec un titre-frontispice entièrement gravé) ; une édition en 75 pages à l'adresse "Dans l'isle de Calypso, aux depens des Nymphes" (la nôtre). On pourrait suivre l'avis de certains bibliographes qui veulent que dans la plupart des cas, c'est l'édition qui comporte le plus de pages qui doit avoir la priorité. Argument qui ne nous convainc pas. Quoiqu'il en soit, cette édition en 75 pages est pratiquement introuvable, pour le moins suffisamment rare pour ne pas en dénombrer d'exemplaires dans les belles bibliothèques anciennes et modernes dont on a dressé le catalogue. Toutes les éditions anciennes de La Mettrie sont rares sur le marché du livre ancien (La Mettrie mourut âgé d'à peine 42 ans - Les plaisirs sensuels, célébrés par La Mettrie, lui furent fatals puisqu’il mourut des suites d’une indigestion). Les exemplaires reliés en maroquin décoré de l'époque sont de la plus grande rareté. L'exemplaire que nous proposons est d'une beauté pure. L'amateur, resté anonyme, qui a fait relier ensemble ces deux traités de libertinage, véritables odes à l'amour charnel, a eu le bon goût de les habiller du plus bel habit qui soit. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas un hasard si l'École de la volupté de La Mettrie se trouve rejeté derrière l'Art d'aimer. Le premier ouvrage, plus léger, tout poétique, dont le titre seul se trouve doré au dos du volume, dissimule cette "suite" beaucoup plus libertine, qu'il fallait sans aucun doute, soustraire, autant qu'il était possible, aux yeux des lecteurs non avertis.

Et n'oublions pas l'histoire... Le 14 septembre 1745, Jeanne-Antoinette Lenormant d’Étiolles née Poisson, marquise de Pompadour est officiellement présentée à la cour. Elle a 23 ans. Sa liaison amoureuse avec le roi dure jusqu'en 1752. Après la fin de sa liaison physique avec le roi, elle installa dans une demeure de ce quartier des femmes (souvent très jeunes) qui y étaient entretenues pour satisfaire les désirs physiques du roi. Elle veillait à ce qu’aucune de ces concubines ne devienne sa rivale en prenant de l’ascendant sur le roi. Plusieurs de ces femmes eurent des enfants de Louis XV ; elles étaient alors parfois mariées à un membre de la Maison du roi qui endossait la paternité de l’enfant. Parmi les concubines du parc aux cerfs, figure la « belle O’Morphy », croquée par le peintre François Boucher et dont, dans l’Histoire de sa vie, Casanova prétend avoir su jouir assez habilement pour la livrer encore vierge au roi. Il semble aussi que Jeanne Du Barry soit aussi passée par le Parc-aux-cerfs avant de devenir favorite officielle. Le libertinage était au sommet du Royaume. On imagine que Louis XV a lu La Mettrie ou pour le moins, se l'est fait largement expliqué...


Référence : Tchémerzine-Scheler III, 947. Voir P. Lemée, Une figure peu connue : Offray de la Mettrie (1709-1751), 1927, avec une bibliographie.

Provenance : De la bibliothèque Hector de Backer (n°1.203 - 1926 - Première partie, deuxième vente), descriptif identique d'un volume au décor et à la composition si particulière qu'il en devient unique et par là même facilement repérable. Étiquette du libraire Rouquette, passage Choiseul (Paris), fin XIXe siècle.


BEL EXEMPLAIRE EN MAROQUIN DE L'ÉPOQUE, CONDITION DES PLUS RARES POUR CETTE EDITION DE L'ÉCOLE DE LA VOLUPTÉ DE LA METTRIE, APÔTRE DES PLAISIRS ET DU LIBERTINAGE.

VENDU

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