
EDMOND ET JULES DE GONCOURT
GERMINIE LACERTEUX. Dix compositions par Jeanniot gravées à l'eau-forte par L. Muller.
Paris, Maison Quantin, 1886.
1 volume in-4 (29 x 21 cm) de XIX-294-(1) pages. 10 eaux-fortes hors-texte en deux états (20 estampes sur vélin et japon).
Reliure demi-maroquin vert sombre à larges coins, dos à nerfs janséniste, date dorée en queue, tête dorée, non rogné, couvertures imprimées et dos du brochage conservés en parfait état, reliure de l'époque signée Victor Champs. Exemplaire très bien conservé, très frais. Infimes frottements sur le papier des plats.

PREMIÈRE ÉDITION ILLUSTRÉE.
TIRAGE DE LUXE EN GRAND FORMAT.
Cette édition en grand format de Germinie Lacerteux a été exécutée seulement à 100 exemplaires numérotés sur papier du Japon avec deux suites des planches. L'exemplaire porte le numéro 68 marqué à la presse.
Cet ouvrage fait partie de la Bibliothèque des chefs-d'œuvre du roman contemporain publiée par la Maison Quantin. Les volumes, parus séparément, étaient proposés à 25 francs sur papier des Vosges et à 100 francs sur papier du Japon. Ce rare tirage de luxe sur japon était déjà annoncé comme en partie épuisé dès 1886.
La première édition de Germinie Lacerteux a paru en janvier 1865. Publié cinq ans avant la Commune, ce roman conte la tragique histoire d'une malheureuse servante, fille de joie par l'infamie de Jupillon, agent du Mal et objet dévoyé de l'amour de cette enfant du peuple. Car le tableau social, dont les frères Goncourt se veulent les miniaturistes les plus exacts, n'est point ici un décor, mais tout au contraire la substance qui nourrit et empoisonne les héros. On ne saurait distraire les uns de l'autre, parce que la vérité de ce document tient à la constante et habile volonté des auteurs d'aider à la compréhension — et le cas échéant, à la condamnation — de la société et des mœurs sous Napoléon-le-Petit. Il passe pour le type du roman naturaliste. On trouve dans la préface de 1865, reproduite en tête de cette nouvelle édition, la sentence suivante : " Le roman cherche l'Art et la Vérité ainsi que la Souffrance humaine."
" (...) Un roman à l'intrigue atroce, comme le XIXe siècle savait en produire. Une prose enracinée dans le réel, le réel le plus sordide, celui du petit peuple parisien, celui des passions avilissantes, celui des mesquineries assassines. On reconnaît le naturalisme de Zola encore en gestation dans cette œuvre (Edouard de Goncourt accusera par la suite Zola de plagiat lors de la parution de L'Assommoir… Il est vrai que ces deux œuvres ont des parentés certaines). Les sources d'inspiration de Germinie Lacerteux sont à rechercher dans l'existence même des frères Goncourt. Derrière l'existence tragique de Germinie se dissimule Rose Malingre, une ancienne servante des deux frères écrivains, une femme dont ils ne connurent l'histoire secrète et douloureuse qu'après sa mort. (...)" in Présentation de l'édition Flammarion par Pascale Arguedas.
L'illustration de Jeanniot qui orne cette magnifique édition, donne pour la première fois, une image fixée de Germinie Lacerteux et de son univers misérable. Cette édition est très recherchée pour cela.
Provenance : exemplaire de la bibliothèque Ch. Bouret avec son bel ex libris gravé à l'eau-forte par Deville. La vente de sa bibliothèque eu lieu en février 1893 : "La collection formée par M. Bouret était nombreuse, mais présentait un caractère spécial : elle se composait presque exclusivement de livres contemporains. (...) Ce qui l'attirait surtout, c'était le livre neuf, encore imprégné des senteurs de l'encre d'imprimerie. Il suivait le mouvement littéraire et se procurait, dès leur apparition, toutes les œuvres de quelque mérite ; épris des papiers de luxe, il possédait des exemplaires sur hollande, sur chine, sur wathman, etc., de la plupart des livres connus de notre époque, en éditions originales. Il était à l'affût de toutes les éditions de luxe que publiaient Jouaust, Conquet, Launette et Boudet, Ferroud, Calmann Lévy, Testard, Hachette, Quantin, etc. Il ne lui suffisait pas, le plus souvent, d'avoir des exemplaires exceptionnels de ces éditions, avec des tirages à part et des suites d'épreuves : il cherchait à les enrichir de dessins originaux ; il en faisait ainsi des exemplaires uniques qu'il confiait ensuite, pour les habiller richement, à Cuzin, ou à Marius Michel, ou à Chambolle, ou à Champs. Il jouissait de ses livres d'une façon quelque peu égoïste, ne les montrant qu'à un petit nombre d'initiés et les entourant de précautions minutieuses. Aussi leur fraîcheur était-elle parfaite. Les prix atteints dans la vente du 16 au 18 février ont été des plus brillants." (La bibliophilie en 1893 par d'Eylac). Il est suffisamment rare d'avoir un portrait aussi précis d'un bibliophile du temps à disposition pour prendre la place nécessaire dans cette fiche afin d'informer le bibliophile d'aujourd'hui de ce bibliophile d'hier.
SUPERBE EXEMPLAIRE, FINEMENT RELIÉ A L'ÉPOQUE PAR VICTOR CHAMPS.
VENDU