LE SIRE DE CHAMBLEY (Edmond H...) [Edmond HARAUCOURT]
LA LÉGENDE DES SEXES. POÈMES HYSTÉRIQUES.
Imprimé à Bruxelles pour l'auteur. 1882 (date sur la couverture et le titre). Achevé d'imprimer le 15 avril 1883 (colophon).
1 volume in-8 (23,2 x 14,7 cm) de 147-(1) pages.
Reliure moderne plein oasis bleu pétrole/vert, doublure et première garde de porc velours gris perle, dos à nerfs, auteur, titre et millésime dorés, relié sur brochure, non rogné, couverture conservée (rousseurs et quelques usures). Texte imprimé sur papier vergé.
ÉDITION INCONNUE A DUTEL (CONTREFAÇON) PARUE SANS DOUTE TRÈS PEU DE TEMPS APRES L'ORIGINALE.
Notre exemplaire comporte de nombreuses différences notables par rapport à l'édition originale décrite par Dutel et pourtant par ailleurs très proche. On notera les différences suivantes :
- sur la couverture imprimée le filet maigre sous le nom de l'auteur est différent ainsi que le cartouche qui entoure la date "1882".
- idem pour la page de titre.
- la justification imprimée au verso du titre est ici : "Cet ouvrage a été tiré à deux cents exemplaires non mis dans le commerce." tansdis que dans l'EO décrite par Dutel on lit : "Il a été tiré de cet ouvrage deux cents exemplaires, en deux séries, et douze exemplaires sur Japon. Ces volumes, tous numérotés et paraphés par l'auteur, ne pourront être vendus." Notre exemplaire n'est ni signé ni numéroté par l'auteur.
- Si la mise en page est quasi identique, la justification des lignes de tous les poèmes est différente, ainsi que les petits ornements (filet et petits culs de lampes).
- La pagination est identique ainsi que la date d'achevé d'imprimer : 15 avril 1883.
Référence : Dutel, Bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1880 et 1920, n°444 (pour l'EO - Dutel ne cite aucune autre édition à la même date et avec une pagination identique) ; Pia, Les Livres de l'Enfer, 765-766 (qui ne connaît pas non plus notre édition).
La Légende des Sexes est le premier ouvrage de l'auteur. Haraucourt a 26 ans lorsqu'il publie de manière confidentielle à 212 exemplaires seulement (il existe plusieurs contrefaçons publiées ensuite) ces poèmes hystériques, véritable "épopée du bas-ventre". "Donc, dans le coït, rien ; à côté, rien. Avons-nous essayé les premiers la force contractile du sphincter anal ? (...) Avons-nous inventé le travail des langues, et le baiser adultère des taureaux ou des cygnes ? Rien ! nous n'avons rient fait, et nous ne ferons rien ! Il ne nous reste qu'un espoir, qu'un rêve irréalisé encore : l'application de l'envahissante électricité au travail voluptueux de nos sens. Et même doutons-nous, misérables que nous sommes, dans notre espérance dernière : car peut-être l'amour et le désir ne sont-ils que ces phénomènes dynamo-électriques , nos sexes, des accumulateurs ou des piles chargés de voltes et d'ampères, et desquels jaillit, par l'approche d'un pôle contraire, la resplendissante électricité de l'amour. (...)" (extrait de la Préface).
Élaboré en contre pied de la Légende des Siècles du grand Hugo, ce livre eut le succès du soufre. Du coït des atomes en passant par le Sonnet pointu ou le Sonnet honteux, ce volume composé de 39 poèmes est une aventure textuelle au pays des libertés curieuses.
Sonnet honteux
L'anus profond de Dieu s'ouvre sur le Néant,
Et, noir, s'épanouit sous la garde d'un ange.
Assis au bord des cieux qui chantent sa louange,
Dieu fait l'homme, excrément de son ventre géant.
Pleins d'espoir, nous roulons vers le sphincter béant
Notre bol primitif de lumière et de fange ;
Et, las de triturer l'indigeste mélange,
Le Créateur pensif nous pousse en maugréant.
Et un autre…
Sonnet pointu
Reviens sur moi ! Je sens ton amour qui se dresse ;
Viens, j'ouvre mon désir au tien, mon jeune amant.
Là... Tiens... Doucement... Va plus doucement...
Je sens, tout au fond, ta chair qui me presse.
Rythme bien ton ardente caresse
Au gré de mon balancements,
O mon âme... Lentement,
Prolongeons l'instant d'ivresse.
Là... Vite !
Plus longtemps !
Je fonds ! Attends,
Oui, je t'adore...
Va ! va ! va !
Encore.
Ha !
La jeune
J'ai rêvé d'une vierge impécable, aux yeux froids,
Qui d'un bond, émergeant des moiteurs de sa couche,
Vient accrocher le poids de son corps à ma bouche
Et pointe sur mon coeur le roc de ses seins droits.
Longtemps, pieuse et chaste, elle a porté la croix
De l'orgueil vertueux que nul désir ne touche ;
Mais voilà que le rut s'est éveillé, farouche,
Et la chair en révolte a réclamé ses droits...
Elle plaque à ma peau la peau d'un ventre ferme,
Et furieusement crispée, elle m'enferme
Dans l'effort ingénu de sa lubricité.
Ses canines d'enfant mordent ma chair de mâle...
A moi, toute ! Et la fleur de sa nubilité,
Pourpre, s'épanouit sous l'onde baptismale.
BEL EXEMPLAIRE DE CE LIVRE TOUJOURS RECHERCHÉ, ICI DANS UNE ÉDITION PRIMITIVE RARE.